La Trahison des pères veut montrer que « le printemps de l'Église » a été le fait de communautés globalement animées par des abuseurs pervers, lesquels ont trouvé une partie de leur inspiration chez les frères Philippe, plus spécialement chez le père Thomas Philippe, dont une expérience pseudo-mystique et un enseignement véreux expliquerait de nombreuses dérives et l’hiver de l'Église.
Le livre de Céline Hoyeau tente de faire un effort de synthèse mais ressemble malheureusement à une juxtaposition d'articles parfois redondants, sans tomber il est vrai dans le voyeurisme ni dans le catalogue des péchés de l'Église. Il n’échappe pas aux excès du genre journalistique qui ne dit pas trop son avis mais le fait dire par d’autres.
L’ouvrage donnera une documentation utile à ceux qui s’intéressent au sujet, mais il pose aussi une question déontologique, puisqu’il ne laisse finalement aucune place au débat contradictoire : les uns sont morts (les frères Philippe, Jean Vanier), certains refusent de répondre (Ephraïm) quand d’autres ne sont pas interrogés (Fenoy, Roucy), ni même leurs proches, héritiers ou soutiens.
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C'est un livre qui arrive trop tôt, deux fois trop tôt même : d'abord parce que les archives concernant le père Thomas Philippe ne sont pas ouvertes et on ne sait toujours pas en 2021 quelle fut la sentence prononcée par le Saint-Office contre lui dès 1956, pour quelle raison et pour quelle durée, ni s'il a désobéi à la peine qui lui avait été infligée. Trop tôt aussi parce que le travail des théologiens n’est pas achevé pour vérifier dans ses écrits ce qui relèverait précisément d’une hérésie ou d’une doctrine à l'origine de ses turpitudes sexuelles. Le livre de la journaliste de La Croix fait globalement l'impasse sur cette question en se contentant d’exhumer un paragraphe d'un cours de Marie-Dominique Philippe, extrait qui ne prouve, en soi, pas grand-chose... et qui serait resté parfaitement inaperçu en temps normal.
Pour ces deux raisons, l’enquête n’arrive pas à convaincre véritablement et aurait gagné à attendre un peu. On sort de là comme de la lecture d’une enquête sur Dupont de Ligonnès : rien n’est résolu. [...]
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