Nous avons interrogé la victime présumée par courriel pour en savoir davantage. Si nous n’avons aucune certitude sur la véracité du témoignage et que certains passages sont étonnants, il nous semble suffisamment digne d’intérêt pour être porté à la connaissance du public et des enquêteurs du fait de sa date – Vérove a tué Sophie Narme en décembre 1991 et avait utilisé de l’éther. Selon un administrateur d’un forum dédié à l’affaire du Grêlé, le 38 Special, qui est l’une des armes mentionnées dans ce témoignage, aurait été un modèle employé par François Vérove lors d’une autre agression – détail non porté à la connaissance du public. Autant d’éléments qui mériteraient donc l’attention des personnes en charge du dossier.
Voici le témoignage traduit en français ainsi que les réponses aux questions subsidiaires que nous lui avons posées.
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« J’ai lu votre article sur François Vérove, je suis une victime. Vérove m’a droguée et kidnappée en avril 1992. Je vous suggère d’ailleurs d’essayer de retrouver la personne qui l’approvisionnait en produits pharmaceutiques et en drogue, que Vérove aurait pu utiliser sur ses victimes.
Tel que je me souviens des faits, Vérove m’a droguée dans un bar à vin près du musée d’art moderne Pompidou. Il m’a emmenée vers un hôtel près de là en me menaçant à l’aide d’un pistolet, après avoir mis quelque chose dans mon verre. L’hôtel s’appelait l’Édouard VII, il existe toujours.
Vérove a joué à la roulette russe toute la nuit avec trois pistolets : un Dillinger, un Beretta et un 38 Special. Il s’est ensuite plaint et a pleuré hystériquement, en racontant avoir peur que son épouse ne le quitte. Il a ensuite pointé le pistolet sur lui et a appuyé sur la détente. Il n’y a pas eu de détonation.
Vérove m’a ensuite violé à plusieurs reprises, et un livreur d’une pharmacie est apparu plus tard à minuit passé dans la chambre d’hôtel pour lui donner de la drogue. Il a payé la drogue puis m’a demandé d’en prendre de nouveau. Il est ensuite parti, me laissant seule aux alentours de cinq heures du matin. Il n’a pas pris la peine de fermer la porte.
J’ai failli me noyer dans la baignoire. Je ne sentais plus rien derrière mon cou après ces heures à être droguée de force. Peu de temps après, un autre client de l’hôtel m’a trouvée et m’a aidée à m’habiller pour quitter la chambre.
Étant Américaine, elle m’a suggéré de ne pas informer la police qui était censément anti-américaine en ce temps. Cela s’est produit dans la nuit du 7 au 8 avril 1992.
Il y a une pharmacie ouverte 24h/24h à Paris qui connaissait les activités de Vérove. J’espère que je ne suis pas la seule survivante. J’ai contacté l’hôtel Édouard VII parce qu’ils avaient enregistré son permis de conduire et mon passeport. Ils ont pour l’instant refusé de m’aider. S’il vous plaît, renseignez-vous sur ces pharmacies de garde. Il avait une vraie ordonnance de docteur qui était signée. Je soupçonne qu’il s’agissait de kétamine.
Ce que je vous écris est vrai. »
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Intrigués, nous avons ajouté une série de questions auxquelles la victime présumée a répondu. Voici ses réponses :
Comment avez-vous su qu’il s’agissait de François Vérove à l’époque ?
Il fallait montrer une pièce d’identité à l’entrée de l’hôtel Édouard VII. J’ai vu son nom sur ses papiers.
Que faisiez-vous à Paris à l’époque ?
Je rendais visite à une amie de ma famille qui y vivait. Son nom était [que nous appellerons ici MM, ndlr]. J’étais en première année d’études à l’étranger au Royaume-Uni. J’avais pris trois jours pour venir à Paris. J’avais alors 20 ans.
Pouvez-vous nous en dire plus sur les raisons qui ont fait que vous n’avez pas porté plainte ?
J’avais peur qu’on pense que c’était faux. Ce sentiment anti-américain m’a aussi retenu. J’avais surtout honte d’avoir été dupée de la sorte par un tel homme rencontré dans un bar à vin.
Comment avez-vous reconnu votre agresseur après son suicide ?
Je l’ai immédiatement reconnu quand l’histoire est sortie dans la presse. Sur les photos, c’était bien lui. Plus vieux, mais le même homme. J’ai immédiatement pris contact avec l’hôtel Édouard VII pour qu’ils accèdent leurs archives. Ils n’ont toujours pas accepté mes demandes, mais j’appelais des États-Unis. J’espère que quelqu’un pourra rechercher.