Skip to content

François Vérove dit Le Grêlé, ou la banalité du mal

Par

Publié le

14 novembre 2021

Partage

Le 29 septembre 2021, sachant qu’il allait être démasqué, François Vérove dit Le Grêlé a mis fin à ses jours, après commis viols et meurtres trente-cinq années durant. Retour sur une affaire hors du commun, mais dont le coupable était un monsieur tout le monde.
22266623lpw-22267128-article-francois-verove-le-grele-tueur-en-serie-violeur-en-serie-jpg_8271245_1250x625

Hannah Arendt jugeait que le mal s’inscrivait dans « le vide de la pensée ». Que pensait François Vérove, l’homme qui se cacha derrière le tueur en série longtemps connu sous le grotesque et terrifiant sobriquet du Grêlé ? Avait-il, comme Michel Fourniret, autre ogre célèbre bien de chez nous, la pensée du narcissique délirant fier de sa demi-culture ? Y avait-il bien plutôt un vide qu’il ne parvenait pas à combler, c’est-à-dire précisément le mal qui n’est qu’une absence dans la grande toile du bien ? Nous ne le saurons jamais, l’homme ayant préféré se suicider avant d’être arrêté et de donner quelques clés susceptibles de nous éclairer sur les motivations de ses crimes.

Né un 22 janvier 1962 et mort un 29 septembre 2021, François Vérove pourrait n’être qu’une simple ligne statistique dans la grande aventure humaine. Un homme de plus. Un époux, un père, un travailleur. Un être regretté à sa mort par ceux qui l’aimaient et lui succèdent. C’est pourtant à sa mort que François Vérove se fit connaître. Non seulement du grand public, de ceux qui n’étaient ni ses amis ni des membres de sa famille, mais aussi de tous ceux qui l’ont côtoyé dans son intimité la plus stricte, victimes collatérales de son funèbre voyage secret. Les seules personnes qui ont su qui était François Vérove de son vivant furent ses victimes suppliciées, torturées, violées, assassinées. Elles ont vu sa vraie nature dans ses yeux rougis de haine, son vrai visage de tueur de sang-froid masqué sous l’apparente simplicité du Français le plus moyen qui soit.

Comprenant qu’il allait être découvert, Vérove a préféré mettre fin à ses jours qu’assumer ses actes en face de sa famille

Il a fallu l’acharnement de la juge d’instruction Nathalie Turquey pour que l’étau se resserre enfin. Dès les premiers crimes, les enquêteurs soupçonnèrent le Grêlé d’appartenir à la police ou à la gendarmerie, de la même manière que l’adjudant Chanal – ce tueur homosexuel de l’affaire des disparus de Mourmelon – fut rapidement identifié comme appartenant à la Grande Muette. Plusieurs indices ont permis d’arriver à cette conclusion. L’infâme Vérove utilisait souvent une carte professionnelle pour intimider ses victimes et les convaincre de le suivre. Dans la terrible affaire Politi-Müller, il trahit sa profession en pratiquant une technique apprise par les gendarmes (le garrot espagnol) sur l’infortuné Gilles Politi.

Tous ces indices ont donc conduit madame Turquey à convoquer 750 gendarmes présents en Île-de-France à l’époque des faits pour leur faire passer un test ADN. Comprenant qu’il allait être découvert, Vérove a préféré mettre fin à ses jours qu’assumer ses actes en face de sa famille. Des actes particulièrement barbares, assortis de mises en scène sordides. Les meurtres de Vérove ressemblent d’ailleurs beaucoup à ceux de Dennis Rader, tueur en série américain aux fantasmes sadomasochistes qui avait lui aussi une vie de famille rangée, au-dessus de tout soupçon. Vérove se distingue toutefois parce qu’il a été alternativement gendarme et policier. Pis : syndicaliste, élu local, chef de la brigade des mineurs de Montpellier, etc. Le flic modèle. Le Français décoré, bien-pensant et bien vu. Le Grêlé n’a laissé qu’une courte lettre testamentaire après qu’il a compris que les forces de l’ordre allaient l’attraper. Une explication possiblement mensongère. Il n’est pas exclu qu’il ait beaucoup plus tué que ce qu’il n’a bien voulu admettre, y compris dans la mort.

Lire aussi : Each One et Ikea discriminent ? Avec la complicité de l’État

Un type banal qui pendit probablement des chats à des poteaux durant son enfance. A-t-il souffert de la triade Mac Donald censément caractéristique des psychopathes pervers et frustrés sexuellement ? Était-il faiblement équipé intellectuellement comme le Green River Killer Gary Ridgway, ou au contraire très intelligent à l’image de Rodney Alcala ou Edmund Kemper ? Ce n’est guère important pour les victimes et leurs proches. Peut-être auraient-ils toutefois aimé savoir. Pourquoi faire tant de mal aux innocents ? Comment dissimuler une personnalité aussi diabolique ? Tant de questions éternelles, universelles et toujours mystérieuses.

Il est au moins certain que le mal est affreusement banal. Le fonctionnaire Eichmann n’hésitait pas à ordonner des exécutions d’enfants. Vérove les pratiquait lui-même, confirmant le mot de Maurice Dantec pour qui les tueurs en série seraient des camps de concentration à l’échelle individuelle. S’ils ne sont pas « inséparables de la civilisation des loisirs », ils sont bien leur croquemitaine. Méfiez-vous des gens comme il faut.

EN KIOSQUE

Découvrez le numéro du mois - 6,90€

Soutenez l’incorrect

faites un don et défiscalisez !

En passant par notre partenaire

Credofunding, vous pouvez obtenir une

réduction d’impôts de 66% du montant de

votre don.

Retrouvez l’incorrect sur les réseaux sociaux

Les autres articles recommandés pour vous​

Restez informé, inscrivez-vous à notre Newsletter

Pin It on Pinterest