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Waterloo. Un nom qui glace toujours d’effroi les Français. Un nom qui laisse un vide dans les cœurs. Un nom synonyme de défaite d’un homme en forme d’idéal antique, un génie militaire qui fit un jour dire à Hegel : « J’ai vu l’Esprit du monde sur un cheval ». Posséder l’un des chapeaux que l’Empereur portait lors de la funeste bataille de Waterloo doit être probablement très intimidant. Si vous en éprouvez le désir et que vos moyens financiers vous le permettent, vous pourriez tenter votre chance à Lyon en mai prochain où un exemplaire unique sera proposé à la vente par la maison De Baecque & Associés. Rencontre avec Nicolas Dugoujon, expert en souvenirs militaires.
Propos recueillis par Gabriel Robin.
La maison de ventes aux enchères De Baecque & Associés prépare la vente d’un chapeau de l’Empereur Napoléon Ier. Vous l’avez expertisé. Que représente ce chapeau ?
En tout, cent-vingt chapeaux ont été fabriqués pour l’Empereur, dont 19 sont aujourd’hui officiellement reconnus comme étant authentiques après avoir été répertoriés par des historiens. Mais, si vous me permettez une analogie, ce type d’objets rares est un peu semblable à des reliques, c’est-à-dire qu’il faut avoir la foi pour y croire ! Car, pour être absolument certain qu’un objet était la propriété d’un grand personnage d’un passé aussi lointain, il faudrait qu’il y ait eu un constat d’huissier tous les jours pour l’attester. Vous imaginez bien que c’est impossible.
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En revanche, je peux vous assurer que le chapeau que nous vendons était considéré comme celui de Napoléon Bonaparte dès juin 1897, époque où le souvenir de l’Empereur était encore vivace, générant des débats vifs et passionnés, en France comme dans le reste de l’Europe, puisqu’il a été présenté à l’Exposition internationale de Bruxelles.
Le chapeau que nous vendons était considéré comme celui de Napoléon Bonaparte dès juin 1897, époque où le souvenir de l’Empereur était encore vivace.
D’ailleurs, il sera vendu dans sa boite numérotée, mais aussi avec le catalogue de l’Exposition dont le répertoire indique « Chapeau que portait Napoléon à la bataille de Waterloo ». En 1897, le chapeau était donc vu comme authentique, personne n’ayant contesté qu’il fut celui de l’Empereur. Reste que je ne fais pas parler les objets, sans quoi j’aurais le don de psychométrie. Néanmoins, si j’avais le moindre doute sérieux, je ne le présenterais pas. Cela représente un souvenir inestimable pour les collectionneurs et les amoureux de l’aventure militaire impériale, encore nombreux.
Comment un tel objet est-il parvenu jusqu’à nous ?
Nous possédons la liste des gens qui en ont été propriétaires, de 1815, année de la bataille de Waterloo, jusqu’à nos jours. Capitaine de Dragons hollandais, le baron Arnoud van Zuijlen van Nijevelt prétendait avoir trouvé le chapeau de l’Empereur après la bataille, puis il l’a transmis et ainsi de suite. On sait que la berline de l’Empereur a été mise à sac par les alliés. D’abord, de simples soldats. Puis, des officiers qui ont pris l’essentiel des objets. Ce qui explique pourquoi de nombreux grands souvenirs militaires du Premier Empire sont toujours malheureusement détenus en Allemagne, ou dans d’autres pays de l’alliance européenne contre la France de Napoléon. Récemment, le musée de la Légion d’honneur exposait la berline et certains des objets volés.
Vous avez estimé le prix du chapeau dans une fourchette comprise entre 30.000 et 40.000 euros. N’est-ce pas un peu bas pour un tel objet ?
Je le crois, mais je suis prudent. Des titulaires d’importantes collections m’ont manifesté leur enthousiasme, jugeant qu’il n’y avait aucune raison pour que ce ne soit pas le vrai chapeau de Napoléon Bonaparte. En effet, il répond aux critères les plus essentiels, ses caractéristiques étant précisément celles d’un chapeau de Napoléon. Du reste, si d’autres personnes ont revendiqué la propriété du chapeau de Bonaparte lors de la bataille de Waterloo, il est plus que probable que l’Empereur en ait apporté plusieurs. On sait qu’il avait au minimum quatre chapeaux lorsqu’il partait en campagne militaire. Il en avait notamment un de rechange en permanence dans son cabriolet, dans l’hypothèse d’une perte durant une cavalcade.
On sait que l’Empereur avait au minimum quatre chapeaux lorsqu’il partait en campagne militaire.
De fait l’histoire et l’objet rendent le tout très plausible, bien qu’on ne puisse jamais être sûr de rien. Quand on achète quelque chose comme ça, on achète un rêve. Dernièrement, un chapeau de l’Empereur similaire a été vendu 1.800.000 euros à un riche collectionneur sud-coréen à Fontainebleau en 2014. C’est dire la portée universelle de Napoléon Bonaparte ! Certes, le montant a explosé en partie parce que le chapeau provenait du musée Grimaldi. Autre exemple, un chapeau a été vendu au Canada en 1986, pour un montant de 150.000 francs, alors qu’il n’avait jamais été exposé auparavant. Des éléments qui nous donnent une certaine confiance.
Qui pourrait acheter le chapeau de Napoléon ? Un Français ?
Je souhaite évidemment qu’un tel objet reste en France, même si le musée de l’Armée est déjà bien pourvu. Vous savez, je suis devenu expert en souvenirs militaires parce que j’aime notre histoire et suis un patriote. En tant qu’ancien combattant – au surplus, je précise avoir repris du service dans la réserve opérationnelle depuis quelques mois -, je suis ému d’avoir pu expertiser une possession de notre plus grand militaire. Je suis toutefois obligé de constater que Napoléon n’est plus à la mode en France, étant devenu un héros bien plus universel que Français.
Je suis devenu expert en souvenirs militaires parce que j’aime notre histoire et suis un patriote.
De lui, nos personnalités semblent ne retenir que le rétablissement de l’esclavage. Quelle tristesse ! Oui, le bilan n’a pas été parfait, la France a eu du mal à se remettre. Mais enfin, quelle aventure, quel héroïsme ! Un beau feu d’artifice et un legs inestimable. Les étrangers ne s’y trompent pas. C’est simple, les seuls souvenirs militaires français qui atteignent le marché international sont de la période du Premier Empire. Ils n’achètent rien d’autre. Alors qu’en France, on ne parle plus de Napoléon, on ne commémore même pas Austerlitz. Il y a plus de sociétés d’admirateurs de Napoléon en Grande-Bretagne et aux États-Unis qu’en France ! J’ai vendu un sabre de cavalerie du Premier Empire à un Portoricain vivant à New York, 10.000 euros pièce. Le personnage inspire, continue à impressionner. Quelques indices tendent pourtant à me rassurer. La vente des souvenirs du commandant Marchand a notamment été le théâtre d’un record de préemptions par l’Etat, 44 au total ! Il eut été cruel que l’épée du résistant de Fachoda ne finisse sa course en Albion.
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