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Dupond-Moretti : le boss de fin du booming

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Publié le

7 juillet 2020

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Éric Dupont-Moretti est notre nouveau garde des sceaux. Une nomination pour le moins « disruptive » et inattendue, tranchant avec la première impression que laissait Jean Castex. Et si, pourtant, élever maître Dupont-Moretti à la fonction de ministre de la Justice participait d’une même stratégie de communication ? Emmanuel Macron est un Président en campagne qui compte bien être acquitté de sa politique grâce à un expert du genre. Risqué.

En avril 2018, l’hebdomadaire Marianne demandait à Eric Dupond-Moretti s’il accepterait d’être garde des sceaux. La réponse du principal intéressé ne laissait pas de place au mystère, puisqu’il répondait à sa manière, sans ambages : « Que voulez-vous que j’aille faire là-bas ? Je suis sûr que je ne  veux pas faire de politique. On m’a déjà fait quelques propositions déjà ». Si l’art du mensonge est consommé chez certains avocats d’assises, un tel retournement de robe ne manque pas de surprendre. La forte personnalité de l’avocat lillois surnommé « l’ogre du Nord », qui ne manque jamais une occasion de rappeler ses modestes origines, comme s’il cherchait à obtenir une classique revanche sur son enfance, ne saurait se satisfaire d’un exercice normal de ministre. Il n’a pu accepter de devenir ministre de la Justice que parce qu’il a obtenu du Président un soutien total pour réformer.

Le 2 juillet 2020, Eric Dupond-Moretti portait plainte contre X pour «violation de l’intimité de la vie privée et du secret des correspondances» et «abus d’autorité», à la suite de la révélation d’investigations d’ampleur menées par le PNF pour identifier la «taupe» qui aurait pu informer Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog qu’ils étaient sur écoute dans une affaire de corruption. Une concordance des temps pour le moins étonnante… Connu comme étant un homme aux convictions de gauche, du moins d’un socialisme des villes très marqué par le mitterrandisme, Eric Dupond-Moretti a aussi défendu des « hommes de droite » tels que Patrick Balkany, Georges Tron ou le susmentionné Nicolas Sarkozy. Ce dernier est d’ailleurs le véritable fil conducteur de ce nouveau gouvernement où il ne reste plus qu’un fidèle parmi les fidèles en la personne de Julien Denormandie.

Les outrances de l’ogre pourront servir de diversion mais Emmanuel Macron aura-t-il la poigne pour le maîtriser ? Avec lui, il se mettra aussi à dos la justice dans son ensemble, vent debout contre cet ennemi déclaré. C’est le prix à payer pour emporter le centre droit et conserver le socialisme à l’ancienne dans son giron, ce « bloc bourgeois » qu’Emmanuel Macron espère être le socle sociologique de sa future réélection.

Sorte de synthèse de la droite LR, sur laquelle Emmanuel Macron a semble-t-il réussi son OPA, a minima chez les cadres d’envergure, avant de bientôt récupérer tout le tissu centriste dans ces « territoires » dont on nous rebat les oreilles à longueur de journées ; le gouvernement Castex a donc sa touche de bling bling populiste en la personne d’Eric Dupond-Moretti. Les idées de ce dernier sur le fonctionnement de la machine judiciaire française ne sont pas fondamentalement mauvaises. Il dénonce depuis longtemps la formation proposée par l’Ecole nationale de la magistrature, le corporatisme des juges ou l’arbitraire. Il dit depuis longtemps qu’il est impératif de séparer le siège du parquet, que les juges doivent être « responsabilisés » et que l’avocat doit « reprendre sa véritable place », notamment pour ce qui concerne la question du secret professionnel.

On aurait toutefois préféré que ce coup de pied de l’âne parte de droite ou d’une personne moins encline à raconter n’importe quoi qu’Eric Dupond-Moretti, emblématique de ces avocats gueulards glorifiés dans les concours d’éloquence. Il est un acteur, au sens propre puisqu’il s’est déjà illustré sur les planches comme Emmanuel Macron. De ce fait, il correspond parfaitement à l’époque qui veut que le faire savoir soit presque plus important que le savoir-faire. Il est un acteur de plus dans un « casting » gouvernemental destiné à raconter une histoire de la conduite des affaires politiques de la cinquième puissance mondiale. Une sélection réfléchie avec Jean Castex dont l’accent chantant serait un « atout » pour s’adresser à la France des sans-grades, la France enracinée des provinces. Chaque ministre répond non seulement à une fonction politique mais à une fonction de représentation sociologique.

Lire aussi : La nouvelle ministre de la ville forcée de démissionner de son siège de député à cause de son suppléant trafiquant de drogue

Eric Dupond-Moretti est un moyen de s’adresser à la France qui « roule au diesel et fume des clopes », pour citer Benjamin Griveaux qui appartient déjà au lointain passé du macronisme. Pensez-donc, l’homme critique les « méthodes staliniennes de Mediapart », n’aime pas les bobos « nudistes qui mangent du quinoa » et préfère la chasse et la corrida. En voilà un peu pour l’homme de droite. Mais l’homme de gauche n’est pas en reste avec « acquittator » qui réclamait en 2015 la dissolution du Front national et a un jour déclaré qu’il ne pourrait jamais défendre un membre de ce parti. Des pudeurs de gazelle qu’il n’a pas exprimées quand il a choisi de s’occuper d’Abdelkader Merah… Pour ce procès, notre nouveau ministre de la Justice avait carrément franchi les limites de la décence, affirmant avoir trouvé le procès de Nuremberg plus digne que celui qui était fait au frère du terroriste assassin d’enfants.

Les outrances de l’ogre pourront servir de diversion mais Emmanuel Macron aura-t-il la poigne pour le maîtriser ? On dit le Président séducteur en privé, habile psychologue. Il lui faudra faire montre de tous ses charmes pour tenir la bête en laisse, docile et bien dressée. Avec lui, il se mettra aussi à dos la justice dans son ensemble, vent debout contre cet ennemi déclaré. C’est le prix à payer pour emporter le centre droit et conserver le socialisme à l’ancienne dans son giron, ce « bloc bourgeois » qu’Emmanuel Macron espère être le socle sociologique de sa future réélection. Gageons que certains interpréteront différemment la première déclaration du ministre : “Je serai un garde des sceaux de sang-mêlé, mon ministère sera celui de l’antiracisme et des droits de l’Homme”

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