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C’est l’été, soit. Le temps se dilate comme sous l’effet de la chaleur. Très bien. Alors il serait le moment de s’intéresser enfin aux choses sérieuses. L’art, l’amour, Dieu, la mort. Tous ces soleils insupportables. Non, ce n’est pas le moment de ralentir, c’est le moment de nous libérer des freins que nous impose la partie la plus triviale de l’existence. C’est le moment d’aller jusqu’au bord de ce que nous sommes. De grandes œuvres peuvent nous y aider.
L’occasion est belle de nous jeter dans les océans qu’ont ouverts Dante ou Dostoïevski, ou de dériver dans les sublimes navettes de Villon, de Verlaine, de Maïakovski ; ou de rouvrir, simplement, le Livre des livres. C’est le moment ou jamais de revenir au point zéro des routes, comme celui, maintenant inaccessible, sur le parvis de Notre-Dame, qui disait l’origine de toutes les voies françaises.
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Avoir une cathédrale pour boussole, voilà qui était pratique et pertinent. C’était poser le sublime comme règle, et mettre au centre de tout : l’art, l’amour, Dieu et la mort. Avez-vous remarqué qu’on n’a jamais autant parlé de « périphéries » qu’aujourd’hui, que nous n’avons jamais été autant tous relégués en périphérie, au point qu’on en viendrait à se méfier de tous les centres, comme si le véritable problème, le problème « central » si je puis dire, ne venait pas d’un mouvement précisément contraire ? C’est-à-dire qu’au centre ont été déportées mille périphéries : l’intérêt de certains, les lubies de ceux-ci, les utopies de ceux-là, les complexes de tel groupe, les angoisses de tel autre ; et non pas, ce qui nous concernait tous, Noirs, pédés, apostats, salopes anarchistes comme catholiques de droite : l’art, l’amour, Dieu et la mort.
Nous, Européens, qui nous sommes tant abrutis dans les messianismes absurdes des idéologies, et qui continuons tous les jours par France Inter et les diktats des ministères à nous soumettre à ce genre de machines mentales, il nous faut résolument brûler la petite morale.
Alors peuvent désormais proliférer les questions subsidiaires. On en fera 10 000 saisons. Chacun y trouvera son compte. Et l’individu et la masse et les diffuseurs. Mais jamais ce qui mendie au fond de nous l’absolu, ce double décharné qui représente le meilleur de ce que nous sommes et qui tremble, et que nous ne cessons d’étouffer. Celui que n’apaisera pas l’écriture inclusive mais peut-être la période de Proust. Quoi qu’il en soit, ce double, certaines œuvres pourront encore le nourrir, même neuves, parce qu’éternelles. Par exemple, le film de Florian Henckel von Donnersmarck, cet aristocrate européen avec lequel nous nous sommes longuement entretenus dans ce numéro, parce qu’avec L’Œuvre sans auteur, Donnersmarck, même s’il ancre son histoire dans le milieu du dernier siècle en Allemagne, nous parle à nous, Français du début du XXIe siècle, et il nous prend même à la gorge dans la plus terrible urgence.
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Nous, Européens, qui nous sommes tant abrutis dans les messianismes absurdes des idéologies, et qui continuons tous les jours par France Inter et les diktats des ministères à nous soumettre à ce genre de machines mentales, il nous faut résolument brûler la petite morale. Il nous faut refuser d’être simplifiés, résumés, résolus, rassurés, pris en charge. Il nous faut chacun prendre la direction du gouffre, telle sera la meilleure destination estivale ; prendre chacun la direction du gouffre, et si nous poursuivons assez loin, et si le Feu nous éclaire, alors, au bout d’un moment, soyons-en sûrs, nous retrouverons le point zéro des routes.
Romaric Sangars
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