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Éditorial d’Arthur de Watrigant : C’est l’histoire d’un rabbin, d’un curé et de Michel Houellebecq

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Publié le

29 mai 2024

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« La crosse se révèle finalement bien molle alors que le sixième commandement est sur la sellette. » Éditorial du numéro 76.
© Benjamin de Diesbach pour L'Incorrect

« Je veux bien débattre mais s’ils sont d’accord avec moi et pour des raisons différentes. Ça sera bien plus intéressant. » Voilà, de mémoire, ce que me répondit Michel Houellebecq à une proposition de débat sur l’euthanasie. Il faisait presque chaud pour un mois de mars, ce qui est assez pratique depuis que madame Hidalgo nous a privés du chauffage des terrasses de bistros, et même nécessaire quand vous fumez encore malgré l’augmentation astronomique du prix du paquet de clopes. Un acte de résistance affirment même certains, mais ça c’est une autre histoire. Le serveur nous apportait notre deuxième bière, ou peut-être était-ce la troisième, je vous ai dit qu’il faisait chaud, et Michel Houellebecq terminait de me raconter sa première rencontre avec l’écrivain et académicien Jean Louis Curtis, malheureusement oublié (comme quoi même un immortel peut disparaitre, une bonne nouvelle pour Erik Orsenna) , qui pratiquait la haine du jeunisme à un niveau olympique : « Cher Jean-Louis, je vous présente Michel Houellebecq, un JEUNE poète très talentueux » annonça l’hôte. Ça partait mal.


Quand la chasteté se confond avec l’impuissance, la calotte se fripe

Aujourd’hui, Houellebecq n’est plus ce poète en devenir mais sans doute le plus grand écrivain français contemporain et qu’on lit jusque dans la Pampa. Par quelle diablerie une rock star décide donc de s’opposer au progrès ? Du moins c’est comme cela que les partisans de la piquouze habillent la peine de mort sur ordonnance. C’est tout de même foutrement bien moins courageux que de signer des pétitions d’Annie Ernaux ou de manifester contre la guerre place de la République. « Une civilisation qui légalise l’euthanasie perd tout droit au respect » écrivait l’auteur d’Anéantir dans une tribune publiée dans Le Figaro en octobre 2021. « Je lis la misère de l’Homme sans Dieu dans vos livres et il n’y a rien [dans vos livres] qui donne le sentiment que la civilisation que vous décrivez mérite qu’on s’y attache » lui répondit sur LCI Raphaël Enthoven, fervent partisan de l’euthanasie. Double remarque bougrement étrange. A-t-il réellement lu les romans de Houellebecq? Pourquoi faudrait-il nécessairement croire en Dieu pour s’opposer à la mise à mort ? « Je pourrais donc débattre avec un homme d’Église » me fit remarquer Houellebecq. « Et pourquoi ne pas demander également au grand-rabbin de France » ajouta ma délicieuse épouse qui elle préférait le chardonnay. Banco.

Après une rapide réflexion, le cardinal Bustillo apparaît comme l’homme d’Église idéal. Il a fait son séminaire à Espelette et a fondé un couvent à Narbonne, le Sud-Ouest qui coule dans ses veines offre des garanties précieuses. Brillant et humble, notre Franciscain répond sans attendre très enthousiaste. Malheureusement, sa charge entre Ajaccio et Rome ne lui offre guère de dates compatibles avec celles de Houellebecq. Très gentiment son éminence nous transmet les noms de quelques évêques aussi solides que leurs crosses. Entre-temps Haïm Korsia, le grand-rabbin de France, nous confirme sa présence avec un large choix de créneaux. Les planètes sont alignées, enfin une affaire qui roule. Du moins c’est ce qu’on croyait. La crosse se révèle finalement bien molle alors que le sixième commandement est sur la sellette. Les portes se referment une à une. « Ses derniers écrits m’ont semblé trop crus pour qu’un dialogue public avec un évêque soit ajusté dans l’immédiat. » nous écrit l’un d’eux. Comme le faisait remarquer très justement Romaric Sangars : « C’est vrai qu’on n’imagine pas le Christ discuter avec une prostituée. » La peur d’un scandale ? Mais tant mieux ! Une loi inique se prépare dans les coursives de l’Assemblée et seul le silence lui répond. Mais il faut hurler, faire trembler les murs, foutre un barouf infernal non pour que le débat s’enflamme, mais tout simplement pour qu’il existe. Un autre encore nous répond : « L’Église a nommé des porte parole, contactez-les », interdisant même à l’un de ses prêtres de participer à la conversation. Nous obéissons telles des brebis disciplinées mais un seul daigne nous répondre et par l’intermédiaire de sa secrétaire : « Son agenda ne lui permet pas », sans que nous lui proposions de dates précises… Quand la chasteté se confond avec l’impuissance, la calotte se fripe.

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L’avenir de notre civilisation se dessine dans l’abîme et les garde-fous tombent un à un (jusqu’à créer un délit d’entrave au permis de tuer) alors que le projet de loi n’a pas encore atterri dans l’hémicycle. Le temps n’est plus à la stratégie ni aux pudeurs de gazelle mais au combat. C’est dans l’obscurité que la croix pectorale doit briller plus que jamais, pour éclairer nos consciences et nous rappeler qu’il n’y a qu’un sang qui coule dans les veines de France, celui du Christ. Heureusement, le père Vivarès, curé de Saint-Paul à Paris et aumônier de la Préfecture de Police, a été séduit par l’idée et son évêque auxiliaire, lui, en a compris la légitimité. Enfin la conversation peut commencer. Prêts ? Feu !


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