C’était en 2019, dans un monde déjà depuis longtemps égaré et décadent, et dès la première chanson de son premier album, Fontaines D.C. imposait un ton à la fois amer et plein d’espoir: tout un programme. D’une voix nonchalante et monocorde, mélange de Johnny Rotten des Sex Pistols et de Ian Curtis de Joy Division, le chanteur Grian Chatten annonçait la couleur: « My childhood was small but I’m. gonna be big ». Disons-le, si je n’ai jamais cessé d’être exaspéré par l’actuelle vague postpunk anglo-saxonne, de Shame à Idles, Fontaines D.C m’a instantanément conquis par son charme brut et honnête.
Comme un orage en approche
Ce premier disque (dont le titre est Dogrel en hommage à Doggerel, du nom de la poésie irlandaise ouvrière) fait partie de ces grands albums qui annoncent avec force et stupeur la naissance d’artistes explosifs. Avec des titres énergiques et une attitude pleine d’une morgue juvénile rafraîchissante, Fontaines D.C marqua en quelques mois, des plateaux télés aux scènes des festivals, les esprits de tous ceux qui croisaient sa route. Lieu commun usé jusqu’à la corde, mais qui n’en est pas moins vrai: le plus dur était de confirmer avec un second album du niveau du précédent. Dès 2020, le groupe se rend à Los Angeles pour enregistrer de nouveaux titres. C’e st une déception, les sessions sont abandonnées; le groupe saute dans un avion direction Londres, loin du soleil californien qui lui va si mal au teint. Imagine-t-on ces Irlandais intègres se trémousser dans les poolparty d’Hollywood Hills? Une fois arrivé sur leur île, ils retrouvent Dan Carey, l’homme qui avait produit leur première réussite musicale. A Hero’s Death paraît à l’été 2020. C’est un album plus ambitieux, plus vaste, plus varié et surtout plus noir. Sans doute ce qu’il perd en efficacité le gagne-t-il en profondeur. Loin des illusions que font fleurir les succès précoces, leur réussite semble un moyen de rester le plus lucide possible, de ne jamais cesser de voir le monde tel qu’il est, de ne pas oublier que les ivresses se terminent en des matinées froides et tristes. Le groupe a déployé son art comme ces nuages qui grandissent et noircissent à mesure que l’orage approche. Chaque chanson est poussée au maximum de sa tension nerveuse. Chaque performance du groupe est un exutoire sacrificiel. [...]
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