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François Esperet : homme d’âme

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Publié le

13 novembre 2020

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Il pourrait être l’idiot de Dostoïevski. Comme le prince Mychkine, François Esperet a quelque chose du candide, errant sur une terre d’une beauté à couper le souffle, mais que nos yeux embués par le péché sont bien en mal de voir.

Si la France n’a plus d’école, plus de foi et désormais plus d’emploi, il lui reste malgré tout cathédrales et vieilles familles. Elles qui transmettent à leurs enfants le goût du savoir transmettent en réalité le goût de la liberté avec les moyens de la prendre. François Esperet naquit en 1980, d’un père professeur de mathématiques à Henri IV et d’une mère infirmière militaire, issue d’une lignée de polytechniciens. Il se décrit comme un enfant « sensible et passionné, désireux de créer des intersections entre la littérature et la réalité, recherchant dans la vie ce qui a une intensité littéraire ». Il a le goût des textes de grand brûlés comme Kerouac et Bloy : « Les deux ont été des saints déçus, des hommes habités par le désir de sainteté, et réalisant douloureusement que la littérature seule était impuissante à l’assouvir »

La recherche de cette intensité et son dépassement pourraient être matérialisés par un escalier, dont le théâtre et les arts martiaux furent les premières marches. Ou plus précisément à une échelle, tant la contemplation des « Visions de Jacob » (titre de son quatrième livre) a touché sa pensée. Nul n’est digne d’être appelé littéraire s’il ne met pas sa vie en concordance avec ses romans ou poésies. C’est ainsi qu’il s’engage dans la gendarmerie après Normal Sup, frustré d’aventures. Et traquant le grand banditisme, « je découvre l’épreuve et de la joie de la dépasser ». L’adrénaline de ses années de lieutenant se dissipe avec le grade de capitaine et un poste de chargé de mission au cabinet du directeur général de la Gendarmerie. « J’étais voué à monter les échelons comme un jeune premier et j’ai fait un petit pas de côté pour m’y soustraire salutairement ». Parmi les grandeurs et servitudes de la vie militaire se trouve l’obligation de déménager régulièrement au gré des mutations. Alors pour rester enraciné à Paris, François Esperet a changé quatre fois d’univers professionnel. Entre la plus grande cohérence et le plus grand paradoxe, il y a parfois l’épaisseur d’un papier à cigarette.

Sa présence lumineuse et baroque séduit même Anne Hidalgo en 2014, quand plusieurs de ses collègues, dont Gaspard Gantzer, sont partis vivre la fabuleuse aventure du hollandisme

Son poste au cabinet lui a donné des compétences en relations publiques. Un ami passe son CV à la mairie de Paris, un peu par hasard, ce qui vaut à François Esperet un rendez-vous dans un troquet avec une conseillère de Bertrand Delanoë nommée Myriam El-Khomri. Qui l’embauche au bout de trois quarts d’heure, pour rédiger discours et éléments de langage. Il n’a jamais caché derrière un rideau le moindre recoin de son univers : qu’il était aussi catho que les douze apôtres, qu’il venait d’un monde pas franchement progressiste, qu’il allait à la messe tous les jours, qu’il avait en route une famille nombreuse, qu’il vivait à Bagneux, qu’il avait trouvé merveilleuses ses années de gendarme ; rien qui puisse présager d’un épanouissement sous les ors socialistes.

Devoir jouer autour de règles contraignantes est un moteur de créativité autrement plus puissant que la liberté totale qui ne sait pas où elle va. Esperet est formel : « Je n’ai jamais écrit la moindre chose que je jugeais contraire à la vérité ». Son travail lui laisse une liberté qu’il met à profit pour lire et cultiver un jardin fécond dont il partage les fruits à un maire sous le charme. Sa présence lumineuse et baroque séduit même Anne Hidalgo en 2014, quand plusieurs de ses collègues, dont Gaspard Gantzer, sont partis vivre la fabuleuse aventure du hollandisme.

C’est à cette époque qu’il devient orthodoxe, troublé par le rapport au corps paniqué qu’entretiennent trop de catholiques : « Je suis un passionné d’unité. Je n’aime pas les séparations. Ni entre l’âme et le corps, ni entre la raison et la sensibilité, ni entre les différentes matières intellectuelles ». Le corps a une part importante dans son œuvre, non en tant que nef de l’âme, mais bien comme son égal, comme le prouvent l’Incarnation et la Résurrection de la chair. « Il s’agit d’une mue plus qu’une conversion. Je n’ai pas l’impression d’avoir abandonné la moindre parcelle de vérité en route. Dans la communion de l’Église d’Orient, j’ai trouvé un endroit où la mystique n’est pas le privilège des âmes d’élite, mais est coutumière et universelle. Je suis assez bouleversé par cette idée selon laquelle, en en se répétant inépuisablement le nom de Jésus, chacun peut accéder aux révélations d’un saint Jean de la Croix ».

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