C’est toujours la même chose. Si l’on veut prendre le pouls de la société parisienne qui galère, on file vers le nord. On prend la ligne 4 jusqu’à porte de Clignancourt, ou la 12 jusqu’à la porte de la Chapelle – si l’on est encore plus aventureux. De toute façon, c’est du pareil au même : entre les deux, le boulevard Ney se répand sur plusieurs kilomètres d’ordures, de fumerolles pestiférées vomies en chœur par les bouches d’égouts et de ces braseros abandonnés où couvent les cendres sales de l’hiver – quand ce ne sont pas quelques marrons miteux qui grelottent crapuleusement sous l’œil torve d’un échappé de Pondichéry. Le boulevard Ney est né d’une démolition, et il semble en porter encore les stigmates. C’est un boulevard-pansement, un boulevard-rustine, qui a du mal à cacher son passé honteux de fortification militaire de bas étage. En effet, il faisait partie comme tous les « Maréchaux » de ces fortifications édifiées par Adolphe Thiers en 1841 pour défendre les portes de Paris, à cette époque terrible où Louis-Philippe, notre plus piriforme monarque, craignait encore qu’on fît de la capitale le cimetière de ses molles ambitions. Étranglé au nord-ouest par les échangeurs autoroutiers, à l’est par les tours hideuses de la Pompidolie frénétique, le boulevard Ney garde de son passé militaire cette grisaille de chiendent, cette tristesse de fortin macabre. […]
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