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La chasse aux sorcières est une revanche populaire ou institutionnelle symptomatique d’une époque obscurantiste, moralisatrice et engourdie par une échelle de valeurs autoritaires. On est loin de la délicatesse et de la probité idéaliste des luttes. Le débat se délite et les discours haineux fusent.
La campagne de dénonciation des harcèlements sexuels, des viols et des agressions est légitime. Mais certains féministes, hommes et femmes, ne sont peut-être pas convaincus de la légitimité de cette revendication qui ne tolère pas de surenchère démagogue ni n’en a besoin. On veut lui attribuer une dimension violente et c’est à l’instigation de Mme Sandra Muller que le hashtag aberrant #balancetonporc prolifère sur les réseaux sociaux comme des champignons, parasitant de la sorte la revendication première qu’est la dignité de la femme et le processus de réhabilitation de la victime des violences sexuelles et de la mise en exécution de la justice. La priorité, pour ces féministes, n’est pas la femme mais l’homme ; le porc qu’il faut balancer.
Ce brouillage de pistes a même atteint l’art. L’opéra Carmen de Bizet, vieux de plus de 143 ans, s’est vu inverser la fin. Don Diego succombe aux coups de révolver de Carmen la cigarettière dans une mise en scène farfelue au Teatro del Maggio à Florence, signée Leo Muscato. Cette fin tragique ne rend pas justice à la femme. Carmen passe de femme assassinée à femme assassine. Comme si la violence était imparable. On n’applaudit pas à la tombée du rideau le meurtre d’une femme mais le meurtre d’un homme. C’est cette même violence dans la profanation du chef d’œuvre artistique de Bizet qui constitue la moelle épinière du discours revanchard de la campagne #balancetonporc. La proie a-t-elle nécessairement besoin de devenir bourreau pour se défendre ? La réclamation des mouvements féministes de nos jours est-elle la justice ou la vengeance ? Un fossé immense se creuse entre ces deux notions irréconciliables.
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Et l’atteinte à l’art n’est qu’une forme moralisatrice hargneuse d’une mouvance puritaine qui envoie au bûcher Bizet et qui sait peut-être demain : Woody Allen, Sacha Guitry, Voltaire, Stendhal, Céline, Jules Verne, Montesquieu, etc. Cette tendance démesurée dont le moteur est la susceptibilité accuserait Choderlos de Laclos de misogynie car il a mis en scène le personnage d’une femme diabolique : La Marquise de Merteuil femme libertine instillant du poison dans la vie du Vicomte de Valmont qui finit par mourir lors d’un duel. Que l’art représente la femme en ange ou en diable, en victime ou en bourreau, en femme soumise ou en audacieuse, il ne sera jamais épargné de la critique des puritains féministes. Si la femme est ange, l’inquisiteur moderne regrettera la dimension sacralisée dont la femme est affublée. Si elle est démon, l’inquisiteur moderne regrettera une haine larvée de la gent féminine. C’est que parfois- et je ne banalise pas le combat des femmes intelligentes telles que Leila Slimani pour la dignité de la femme surtout dans les pays du Maghreb, au contraire j’en suis admirative et solidaire- les revendications sont accaparées par l’aigreur et la perte de la raison.
La surmodernité, thèse centrale de l’anthropologue Marc Augé, a créé des sociétés où l’Homme solitaire évolue dans un monde sans repères et sans valeurs ; un monde qui est la négation de tous les récits originels et où le politiquement correct est une arme d’intimidation et de stigmatisation. La Tramontane est sûrement perdue dans le débat actuel. Le féminisme a perdu de vue la femme et a érigé en ennemi l’homme, le mâle dont il faut revisiter et miner les fondements de son mythe de la virilité. N’est-ce pas l’invitation de la philosophe Olivia Gazalé dans son dernier essai paru aux Editions Robert Laffont : Le Mythe de la virilité ? Dont le cogito réducteur serait : Je bande donc je suis. L’égalité ne s’édifie pas sur les sables mouvants de l’aversion, mais sur un véritable partenariat égalitaire et juste entre hommes et femmes. Esprits chagrins, revanchards et pleurnicheurs, vous êtes priés de ne pas « nous importuner » avec vos inquisitions modernes.
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