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Frédéric Pichon : « Le Liban n’en est pas à sa première disparition-résurrection »

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28 août 2020

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Selon Frédéric Pichon, le Liban est le fruit d’un équilibre politique, religieux et démographique précaire. Il pense que c’est ce dernier point qui dictera le destin politique à moyen terme du pays du cèdre. Plus que jamais, ce sont des acteurs extérieurs qui mènent la danse dans cette avant-dernière tête de pont occidentale au Moyen-Orient.

Au micro de RTL ce jeudi 27 juillet, le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a déclaré qu’il y avait un risque de « disparition » du Liban au regard de la crise politique traversée par le pays. Très concrètement, ce matin, qui dirige le Liban ?

L’échec du modèle libanais c’est avant tout celui d’un État fragile constitué sur un compromis bancal. Le grand journaliste libanais Georges Naccache écrivait dès 1949 : « Ce qu’on appelle l’État n’est plus que cette immonde foire ouverte aux plus insolentes entreprises des aventuriers qui ont mis au pillage les biens de la nation. » Plus loin il ajoutait, de façon prémonitoire : « le régime actuel de l’Indépendance est condamné, pour se maintenir, à une perpétuelle violence. » En effet, la double négation évoquée par Naccache renvoyait au refus contenu dans le fameux Pacte National de 1943 de choisir entre l’Orient et l’Occident, entre arabité et modernité. Dans l’impossibilité de se déterminer, le Liban est ainsi devenu le ventre mou de l’Orient en ébullition et s'est condamné à devenir une sorte de paradigme de la mondialisation financière avant l'heure, l’activité bancaire étant la seule ressource du pays.

Dans l’impossibilité de se déterminer, le Liban est ainsi devenu le ventre mou de l’Orient en ébullition et s'est condamné à devenir une sorte de paradigme de la mondialisation financière avant l'heure

Mais au prix d’acrobaties financières qui l’ont mené à sa perte : au Liban, ce sont les banques privées qui fournissent à la Banque centrale de quoi émettre la monnaie ! Aggravé par le communautarisme qui ronge la société libanaise, le démembrement potentiel de l’État au profit des communautés et des grandes familles qui les composent (Gemayel, Joumblatt) est devenu la norme très tôt. Dès lors que l'élite qui gérait le système était dénuée d'esprit civique, elle pratiquait un opportunisme sauvage dans la conquête du pouvoir. En 1975, la crise se mue en affrontement sanglant dont la première victime fut l’État et l’armée libanaise. Ce que je veux dire c’est que le Liban n’en est pas à sa première disparition-résurrection et qu’en terme de souveraineté, le Liban s’accommode (de moins en moins certes) d’une forme d’anarchie politique, qui est en quelque sorte le secret de son existence même. 

Différents bateaux français ont déjà été affrétés pour livrer du matériel et de la nourriture au Liban. Parallèlement, le gouvernement appelle les autorités libanaises à former un nouveau gouvernement et à engager de profondes réformes structurelles. Certains dénoncent une tentative d’ingérence, alors qu’au même moment des libanais ont demandé un mandat français temporaire sur le pays. Quelle analyse faites-vous de la position française suite à l’explosion ? La France vous semble-t-elle à la hauteur de son rôle ?

Je ne sais pas ce qu’est le « rôle » de la France au Liban. Je suis toujours étonné de voir invoqués les liens particuliers qui uniraient la France et le Liban, de Saint Louis au mandat français. Le problème est que l’on raisonne de façon romantique et surtout hors du cadre géographique et historique. En 2020, le Liban n’est pas celui des Croisades naturellement mais n’a rien à voir non plus avec celui du mandat français : la population chrétienne maronite sur laquelle s’appuyait la France sous la IIIe République représentait 33% de la population et les chrétiens 50%. Leur fécondité était encore élevée et leur francophonie en expansion. Aujourd’hui le Liban, malgré l’absence de recensement depuis 1932, c’est une majorité relative de chiites (40%), une majorité absolue de musulmans et des chrétiens en perte de vitesse démographique du fait de l’émigration et d’un certain malthusianisme.

Quant à la francophonie, elle est en déclin profond chez les « clients » habituels de la France : les élites libanaises, sunnites comme chrétiennes, ont opté depuis plus de vingt ans pour le système anglo-saxon qui [...]

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