Quel est votre regard sur le score réalisé par Marine Le Pen ? Est-ce une surprise ou une déception ?
Je pensais au vu des circonstances que son score aurait pu être plus élevé. Cependant, elle a subi – comme nous au premier tour – un matraquage, avec des considérations sur l’extrême-droite et le fascisme auxquelles plus personne ne croit, qui a fonctionné. Il y a deux enseignements à tirer. Le premier est que le bilan complètement désastreux d’Emmanuel Macron n’a pas suffi à convaincre les Français qu’il ne fallait pas le réélire. Le second est la difficulté à mettre dehors la social-démocratie au profit d’une ligne politique qui est la préférence des Français. C’est grâce à un très fort soutien de la gauche française qu’Emmanuel Macron a réussi. Je défends d’ailleurs depuis longtemps la thèse selon laquelle il est un Président de gauche, la gauche la plus internationaliste, progressiste et atlantiste que nous n’avons jamais connu. Ce résultat n’est donc pas complètement une surprise.
Nous sommes loin d’avoir gagné, contrairement à ce qu’un certain nombre d’entre nous pensait, la bataille culturelle et intellectuelle. Il va donc falloir se réinterroger sur la politique à conduire. Je pense que nous avons notamment manqué, comme c’est souvent le cas pour la droite française, de considération pour la question sociale. Il faut nous inspirer du christianisme social, né au milieu du XIXè siècle. Frédéric Ozanam en était le pionnier intellectuel et politique, en appuyant ses réflexions sur une enquête réalisée par un médecin, Louis René Villermé, sur le monde du travail. Ces travaux ont mené à la création de la médecine du travail. Les conservateurs doivent porter un regard particulier sur la réalité économique, et il ne s’agit pas seulement d’argent ou de salaire. Il nous faut regarder au-delà pour prendre en compte les fragilités, l’attention aux plus faibles, les conditions de travail, etc. Si on n’inclut pas cette vision dans notre projet politique, il n’y a à peu près aucune chance que nous arrivions un jour aux responsabilités.
Éric Zemmour semble vouloir le retrait de Marine Le Pen du Rassemblement national en évoquant huit élections perdues par elle et son père. Le rejoignez-vous sur ce point ?
Par principe, je ne pratique jamais l’ingérence dans la vie politique des autres partis. Je n’ai donc pas de position à ce sujet. Ce qui est certain en revanche, c’est que quelles que soient les personnes qui dirigent, tant qu’il n’y aura pas d’accord sur qui doit porter ce programme commun, nous n’avons aucune chance d’accéder aux responsabilités.
Au-delà des appareils, il faut surtout s’accorder sur un programme commun. Je n’ai jamais changé d’avis : dès qu’on en fait une affaire de personnes, on est foutu. La conversation sur la convergence des projets n’a pas eu lieu. Pour la énième fois dans l’histoire politique française, nous voyons la gauche réaliser cette union. C’est ce qui l’a fait gagner en 1981 grâce à une décennie de tractations effectuées par François Mitterrand et Georges Marchais. Il y avait d’importantes divergences entre les staliniens et les radicaux de Boris Faure, ils ont pourtant signé des documents programmatiques communs et bâti une entente électorale. Il y a moins de différences entre Reconquête et le RN : il n’y a aucune raison que nous n’y arrivions pas. [...]
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