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Au matin du 9 janvier, deux conférences de presse avaient lieu à quelques dizaines de minutes d’intervalle, à quelques centaines de mètres de distance, et dans un espace idéologique tout aussi serré.
Dans un café rue Cambronne, Thierry Mariani et Jean-Paul Garraud étaient entourés d’un groupe de militants de la droite pop’. Des garçons aux styles plutôt hétéroclites, et quelques jeunes filles placées innocemment dans l’axe des caméras.
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Mariani, plus volubile que Garraud, pose d’emblée la raison globale qui l’a fait quitter une famille qu’il a rejoint en 1976 : “Le RN, c’est le RPR des années 80“. Une manière de dire que c’est le parti qui a changé, pas lui, pour éviter les questions sur la cohérence de ses engagements. Choisir d’exercer dans la politique dans un parti qui joue la gagne et compte bien gouverner, c’est nécessairement accepter des compromis pour se faire des alliés.
Et c’est là que le bât blesse : “l’UMP s’est toujours alliée au centristes. C’est l’assurance d’être paralysés une fois au pouvoir.” Pour être plus clair, “s’allier avec les centristes, c’est tromper les électeurs“. Désormais, les centristes étant partis chez LREM, il ne reste plus rien : “quand votre seule carte de visite c’est je suis le vote utile, si vous perdez l’accès au pouvoir vous êtes nu“, ricane un journaliste politique aguerri.
Anecdotique
C’est dans cet esprit que le duo s’exfiltre opportunément au RN, d’autant plus volontiers qu’une place éligible dans une liste en bonne dynamique leur assure un mandat. Pour le punir, certains caciques des Républicains ont évoqué au détour d’un couloir l’idée de balancer leurs informations sur les liens entre Mariani et la Russie. Mais après 30 ans dans le parti, il doit avoir suffisamment de cartouches à tirer pour calmer les plus excités. Plus idéologiquement, c’est “l’assignation à résidence” de la droite qui est remise en question. Elle et son levier médiatique, plusieurs fois évoqué par Mariani.
? @JeanpaulGarraud et @ThierryMARIANI ? quittent @lesRepublicains pour
rejoindre le @RNational_off.Jean-Paul Garraud avait accordé à L'Incorrect il y a quelques mois un long entretien sur l'état de notre Justice ?? #lincorrecthttps://t.co/SomKWZI60a
— L'Incorrect (@MagLincorrect) January 7, 2019
Tous deux précisent qu’ils ont des réticences au sujet du programme économique du RN, mais que l’enjeu actuel étant les européennes, il sera toujours temps d’en discuter après le scrutin. Marine Le Pen devra garder un œil sur ses deux nouvelles recrues. Mariani botte subtilement en touche sur la question de son adhésion au RN. Trop expérimenté, il patientera manifestement un temps avant de se rallier intégralement.
Avant de clore courtoisement en avance leur conférence de presse pour que les journalistes puissent aller couvrir celle de Debout la France, ils auront un mot gentil pour Jordan Bardella. La séquence question fut rapide. Les journalistes n’avaient rien à demander aux deux hommes qui entérinent une décision prise il y a longtemps.
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Un peu plus loin, Nicolas Dupont-Aignan inaugurait son nouveau quartier général. Un discours sans grande surprise, mais le regard de Dupont-Aignan avait changé au dessus de son éternel sourire. La courbe de ses votes va probablement croiser celle des Républicains en déroute intellectuelle. Les prises de guerre de DLF commencent à former un noyau dur susceptible de structurer son parti, après une décennie d’efforts où Nicolas Dupont-Aignan était désespérément seul.
DLF profitait de l’occasion pour lancer sa “caravane”, un camping-car de militants parti à la rencontre des habitants des campagnes, gilet jaune plié sur la plage avant. Cette stratégie du temps long a un inconvénient : l’essoufflement. Il va falloir se montrer très créatif pour meubler le temps médiatique, et encore plus pour maîtriser le tempo à l’approche du scrutin après des mois de campagne.
Rien ne sert de courir, il faut partir à point
Le fait que le duo rallie le RN au lieu de DLF est anecdotique. Ces personnalités continuent à jouer leur jeu de rôle en discutant par médias interposés alors que leurs militants et assistants se fréquentent, s’apprécient, et se forment ensemble.
En réalité, le vrai enseignement de cette matinée n’est pas dans les propos des uns ou de l’autre. Il est dans le fait que la droite et ses différentes chapelles lancent leurs campagnes six mois à l’avance. Et encore, selon un responsable DLF, le lancement de leur caravane a été retardé de plusieurs semaines par la crise soudaine des gilets jaunes.
Cette avance prise par cette droite signifie que si elle n’est pas encore sûre de ses hommes, elle est sûre de ses idées.
Cette avance prise par cette droite signifie que si elle n’est pas encore sûre de ses hommes, elle est sûre de ses idées, et compte sur le temps pour qu’elles imprègnent. Tout l’inverse de Républicains inaudibles, totalement perdus depuis le début de la séquence gilets jaune. Paradoxalement, dans le chaos politique ambiant, ceux qui trouveront des alliés seront ceux qui ont des convictions claires et affirmées. On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment.
Ce n’est pas seulement Emmanuel #Macron qui tremble à l’Elysée qu’on puisse venir le chercher, c’est toute la clique qui l’a installé au pouvoir, financé, soutenu. Une clique qui ruine la France depuis 30 ans et veut encore faire payer la facture de leurs privilèges aux Français. pic.twitter.com/k7OXz80SUe
— N. Dupont-Aignan (@dupontaignan) January 9, 2019
D’une manière plus générale, les européennes ont cette année un vrai enjeu. Parce que cette fois, les eurosceptiques peuvent être majoritaires à Bruxelles. Mais surtout elles pourraient être l’événement qui relancerait la dynamique des gilets jaunes au printemps. Quel est le point commun entre toutes les révolutions ? Elles ont lieu en été.
Si les gilets jaunes sont restés dehors sous la pluie et le froid, quand il fera beau et qu’il y aura des urnes, l’ambiance va monter encore d’un cran. LREM devra faire attention à ne pas déclencher la moindre étincelle, parce que les manifestants ne rentreront pas chez eux à 18h30 avec la nuit. Les Européennes seront un rendez-vous, mais peut-être pas celui qu’on imagine.
Le vrai enjeu reste et demeure la prochaine présidentielle, et tous les scrutins d’ici là seront anecdotiques sur le plan strictement politique. Si certaines personnalités politiques ont un intérêt personnel direct à s’y montrer pour gagner un poste, le corps des listes sera probablement constitué de personnalités émergentes ou de seconde zone envoyées au front. Les gagnants au long terme seront peut-être ceux qui se seront préservés.
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