Bordeaux avait l’apanage du vin, l’histoire, la renommée, la qualité aussi. La forme de sa bouteille, la bordelaise, était et est toujours la forme la plus utilisée dans le monde. La forme bourguignonne fut pendant longtemps l’usage restreint de cette région, une particularité qui allait de pair avec le charme de la Côte-d’Or. Au-delà de la Bourgogne et de Bordeaux, les vignobles français présentaient des vins de piètre qualité. À l’étranger, Bordeaux était une carte de visite d’excellence et le classement de 1855 un Graal dont les plus fortunés désiraient posséder les flacons, au mieux pour les boire, mais, trop souvent, pour la spéculation et le snobisme.
Il ne fait jamais bon être en situation de monopole. Bordeaux s’est endormi et n!a pas vu le réveil des vignobles français dont un grand nombre, pour marquer leur indépendance, ont créé des formes régionales de bouteille et abandonné la bordelaise. Les prix des grands crus sont montés en flèche. Chers, mais accessibles jusque dans les années 1980, ils sont devenus très chers et inabordables dans les années 2000. Le public français n’ayant plus les moyens de les acquérir, Bordeaux est devenu un vin de notables étrangers. Dans le même temps, des productions de faible qualité ont joué sur le nom de Bordeaux pour vendre des vins médiocres à des prix trop élevés. On ne trompe pas impunément le consommateur et cette manoeuvre coupa de Bordeaux une partie du public qui pouvait trouver meilleur ailleurs en France. Saint-Estèphe, Saint-Julien, les Graves et le Médoc ont perdu leur force d’attraction. [...]
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