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Le discours de la méthode

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Publié le

8 juillet 2020

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C‘est un des bénéfices collatéraux de l’épidémie : avoir remis sur le devant de la scène intellectuelle Paul Feyerabend, et son Contre la méthode, après qu’il a été cité par Michel Onfray comme une influence du professeur Raoult. Fort de son succès surprise, cet essai doit être réimprimé incessamment.

Heureuse chose qui vaut tout de même une brève discussion autour d’un livre iconoclaste dont l’anarchisme scientifique ne peut pas, ni ne doit être considéré comme une alternative équivalente à ce que l’on appelle la méthode, autrement dit la définition des cadres préalable à l’exercice d’une science particulière. Ce que Feyerabend défend, son idée maîtresse, c’est qu’aucune théorie des sciences ne peut prétendre à la vérité et que, partant de cela, si rien n’est absolument parfait, tout est bon ! L’idée est intéressante du point de vue de la découverte, puisqu’elle oblige tout à la fois à l’humilité par rapport à ce que l’on croit être vrai, et exige la disponibilité envers d’autres points de vue, y compris les plus sujets à caution.

Lire aussi : Michel, qu’est-ce qu’Onfray sans toi ?

Elle est surtout une remise en cause de l’universalité de la science, laquelle évolue au gré de l’histoire, sous l’influence de divers facteurs, sociaux ou politiques, dont aucun n’est à rejeter pour Feyerabend, ce qui lui vaut de faire l’éloge de Mao quand il mit fin au « chauvinisme scientifique chinois » en dézinguant la médecine traditionnelle. C’est que tout épistémologue que soit Feyerabend, il n’en demeure pas moins un anarchiste, donc un supplétif de la tyrannie, puisqu’à casser la méthode et ses prétentions impossibles à l’universalité, on en finit par détruire l’idée même du langage et de la raison, outils indispensables, quoiqu’imparfaits, à l’accord de chacun avec chacun.

Dès lors, aussi roborative soit-elle pour la pensée, cette Esquisse d’une théorie anarchiste de la connaissance, pour ceux qui s’en réclament, en rabaissant la science au niveau du mythe, augure d’un relativisme dont on peut imaginer que les plus enragés d’entre ses séides le réduiront jusqu’à leur seul nombril, de telle sorte que le débat scientifique risque de se métamorphoser en une pure et simple querelle d’ego avec, à la clef, le triomphe de celui qui aura gueulé le plus fort; soit tout ce dont la méthode est censée nous délivrer.

Car la méthode, ça n’est rien de moins, et surtout pas plus, que la possibilité d’une langue commune qui préfère le dialogue à l’argument d’autorité.

Car la méthode, ça n’est rien de moins, et surtout pas plus, que la possibilité d’une langue commune qui préfère le dialogue à l’argument d’autorité. Rappelons cependant que le livre de Feyerabend appelait une réponse et qu’il avait été conçu sous la forme d’une controverse avec l’épistémologue Imre Lakatos, mort, hélas, avant d’avoir pu défendre la fameuse méthode mise en accusation. C’est donc dans le registre du débat intellectuel qu’il faut lire cet essai brillant, et non comme la panacée miraculeuse appropriée aux temps de crise. Au contraire même, en temps de crise lorsque l’on doit combattre, il ne s’agit pas d’inventer un nouveau langage, mais de se faire comprendre de ses troupes, a fortiori quand on se réclame de l’élite… Et pour ça rien de tel que la méthode. À condition d’en avoir le niveau.

Contre la méthode
Paul Feyerabend
Point
350 p. – 9,50 €

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