« En ces temps de (re)confinement, l’intérêt de communiquer ainsi, mon cher Lucien, c’est de pouvoir discuter avec toi malgré les sept cents kilomètres qui nous séparent, et de constater les embellissements successifs apportés à ton bureau. Tout en admirant non sans une pointe de jalousie les jolis tableaux que tu as dégotés à la salle des ventes d’Avignon ! »
Enfoncé dans son canapé en cuir, son ordinateur sur les genoux, E. s’était servi un petit single malt avant de répondre à l’ « invitation Zoom » de son vieux copain expatrié à la campagne. Zo’, qui lisait L’Incorrect à l’autre bout de la pièce, lui lança un clin d’œil malicieux.
« Et moi – à l’écran, la voix et le visage avaient subitement changé – moi, mon cher E., ça me permet de constater avec plaisir que la mort du costume, ultime victime de la covid-19, n’est pas une légende : puisque même vous, E., vous avez troqué vos fllanelles, vos laines froides, vos fines rayures et vos cravates Hermès contre une veste et un pull! Vous, le parangon du conservatisme politique, sociétal, culturel et vestimentaire !
– Moi aussi, je vous salue, ma chère Chantal !
Zo’ redressa l’oreille (qu’elle avait d’ailleurs ravis- sante). Le seul fait de prononcer ce prénom sonnait en général le début des hostilités.
– Mais que vous a-t-il donc fait, ce pauvre costume, pour que vous vous réjouissiez ainsi de son prétendu décès ?
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– Il y a que je l’ai toujours trouvé triste, convenu, revêche, guindé, sournois, hypocrite, de droite, bref, bourgeois…
– C’est vrai que vous ne l’êtes pas du tout, bourgeoise. Ceci dit, il me semble que vous vous fourrez le doigt dans l’œil… [...]
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