Un premier roman frénétique
Le rapport chinois, Pierre Darkanian, Anne Carrière, 296 p., 19€
Le roman commence par un truc incroyable : son jeune héros fraîchement diplômé est embauché par un cabinet de conseil pour le mirobolant salaire de 7 000 € par mois ! Plus incroyable encore, on ne lui donne rien à faire. Au bout de plusieurs mois à enfiler des perles, il reçoit enfin la visite d’un associé azimuté qui lui commande un rapport, « un rapport pour les Chinetoques », et repart, sans précision… Ainsi commence Le Rapport chinois, drôle de premier roman qui joue à fond la carte du burlesque. L’intrigue s’effiloche quand notre consultant cède la place à d’autres personnages, mais le lecteur est lancé sur une si bonne pente qu’il va au bout sans rechigner. Le portrait du héros est joliment tiré : d’un côté, c’est un imbécile, cupide et vaniteux ; de l’autre, son contre-emploi au cabinet en fait un résistant malgré lui, comme un lemming dans la machine. Les étincelles de folie jaillies de ce premier roman frénétique le rendent tout à fait plaisant. Bernard Quiriny
Débuts baroques
Là où la caravane passe, Céline Laurens, Albin Michel, 256 p. – 17,90€
Céline Laurens entre en littérature dans un convoi de Gitans, et si ça a plusieurs reflets kitsch, ce n’est pas dénué de charme. Se retrouvant à Lourdes pour le 15 août, un camp de « gens du voyage » accueille aussi un mystérieux étranger. L’un des membres de la communauté raconte son monde et les événements, ce qui donne lieu à une galerie de portraits et un défilé d’anecdotes permettant à l’écrivain de déployer son imagination aussi frissonnante et moirée que le volant d’une robe gitane durant un flamenco. Burlesque, baroque ou folklorique, le roman de Céline Laurens a ses facilités mais aussi ses éclats. Romaric Sangars
Romance maritime
Semper paratus, Marc Salbert, Le Dilettante, 252 p., 18€
Semper paratus, toujours prêt, devise des sauveteurs en mer, noble corporation à laquelle appartient Alexandre, 28 ans. Il sauve Mathilde, une femme plus âgée qui tentait de mettre fin à ses jours dans l’Atlantique. Elle est sublime, farouche, rugueuse, fragile. Indifférent à ses avertissements – n’attendez rien de moi, trouvez-vous une fiancée de votre âge, etc. –, il s’accroche et se rend indispensable, attendant qu’elle cède. Au passage, il apprend quel coup du sort l’a amenée sur la côte, en lui volant ses mari et fils. Salbert abandonne le ton fantaisiste de ses premiers romans et signe une jolie romance doublée d’un beau portrait de femme fracassée, sur fond de sauvetages et de navires en détresse. La métaphore maritime est filée jusqu’au bout, y compris dans les pages érotiques du dernier tiers. Tout ceci donne un beau roman sentimental, inscrit dans une certaine tradition, rythmé, bien construit, émouvant ; l’auteur évitant les récifs et menant à bon port ses personnages, ainsi que le lecteur. BQ [...]
Vous souhaitez lire la suite ?
Débloquez tous les articles de l’Incorrect immédiatement !