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Lettre ouverte à Mark Zuckerberg, d’un jeune journaliste qui s’est fait supprimer son compte Facebook pour avoir eu le malheur d’y évoquer Génération identitaire.
Cher monsieur Zuckerberg,
Quelle ne fut pas ma surprise lorsque, vendredi matin, comme les 2,6 milliards d’utilisateur de votre réseau social, je me connectais machinalement à mon compte Facebook. « Votre compte a été désactivé ». Pour quel motif ? « Votre compte, ou une de ses activité, ne respecte pas les Standards de la communauté ». Quels Standards ? Mystère. Quelle(s) activité(s) ? Idem.
Néanmoins, il apparaît que depuis un certain temps, le simple fait de nommer un groupe de jeunes militants, Génération Identitaire, suffit à déclencher les foudres des modérateurs (ou sont-ce des algorithmes ?) : nommer (identifier, taguer, en jargon facebookien) Génération Identitaire. Non pas le soutenir, non pas le critiquer, mais simplement écrire le nom de ce mouvement. Et effet, j’ai eu le malheur de le faire. Pourquoi ? Pour faire mon travail, tout simplement. En effet, monsieur Zuckerberg, je suis journaliste.
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Et dans le cadre de mon travail, j’ai interviewé pour le site web du magazine L’Incorrect, le porte-parole de Génération Identitaire, Romain Espino, le 30 mars 2019, soit il y a plus d’un an. En effet, ce jour-là, des militants du mouvement anti-immigration occupaient le toit de la CAF de Bobigny pour dénoncer « les pompes aspirantes de l’immigration que sont les aides sociales ». Dans un souci de pluralité d’opinion, décision a été prise d’avoir le point de vue des acteurs eux-mêmes, puisque les autres medias faisaient le choix de donner uniquement la parole aux adversaires de ce coup d’agit-prop, comme Stéphane Troussel, président socialiste du conseil départemental de Seine Saint-Denis, ou Alexis Corbière, député insoumis de ce même département.
Tout naturellement, une fois l’entretien mis en ligne, je l’ai partagé sur mon profil Facebook. Où il est donc resté durant plus d’un an. Sans poser de problème, visiblement. Et puis, il y a quelques temps, le magazine conservateur Valeurs actuelles a expliqué qu’il s’était vu supprimer sans sommation des publications de leur page contenant des articles traitant ou faisant mention de Génération Identitaire. Puis d’autres, simples citoyens anonyme. Et maintenant, moi, donc.
Monsieur Zuckerberg, vous ne pouvez ignorer que, très récemment, a été voté, et adoptée, en seconde lecture à l’Assemblée nationale française, la loi Avia. Cette loi se donne pour objectif de « lutter contre les contenus haineux sur Internet ». Qu’est-ce qu’un « contenu haineux » ? Visiblement, ce sera aux plateformes de décider. Donc à vous.
Monsieur Zuckerberg, je vous pose la question : est-ce que faire son travail relève du « contenu haineux » ?
Est-ce qu’informer ses concitoyens, est-ce que, dans un grand pays démocratique et pluraliste comme la France, donner la parole à diverses opinions, est-ce qu’accepter et défendre le débat, la contradiction, l’opposition à ses propres idées (et j’ai des désaccords avec Génération Identitaire), c’est être « haineux » ? Monsieur Zuckerberg, votre pays, les Etats-Unis d’Amérique, est souvent décrit comme celui de la Liberté, et un grand auteur français, Alexis de Tocqueville, a écrit sur lui des pages magnifiques.
Mais n’oubliez pas que nous, français, sommes plus que tout aussi attachés à notre liberté. Nous la chérissons tellement qu’elle est gravée sur le fronton de nos bâtiments publics, et qu’elle figure en première place dans notre devise nationale. Et que, pour défendre et garantir la plus sacrée des libertés, celle de penser, et d’exprimer ses opinions, le peuple français par deux fois s’est soulevé. En juillet 1830, lors des Trois Glorieuses, contre les ordonnances de Saint-Cloud, dont l’article premier suspendait la liberté de la presse. Et en février 1848, lorsque la monarchie louis-philipparde faisait interdire des réunions politiques de l’opposition qui prenaient la forme de banquets.
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Comprenez bien que si certains, parmi nos élites de ce côté-ci de l’Atlantique, ou du votre, veulent enfin achever l’accouchement de la dystopie orwellienne qui verrait le mensonge devenir la vérité, le contrôle des citoyens leur liberté, la tyrannie des minorités la démocratie, et le muselage légal de l’opposition le pluralisme, il y aura toujours quelqu’un pour rappeler que le roi est nu et appeler un chat un chat. Je tâcherai, avec d’autres, bien modestement, à mon humble niveau de petit pigiste de rien du tout, et avec les moyens à notre disposition, d’être ce quelqu’un.
Soyez en sûr.
Emmanuel de Gestas
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