En fin de soirée, l’article 1er de la loi bioéthique a été voté favorablement par les parlementaires. Objet de nombreux débats ces derniers jours, il a vu s’affronter trois grandes lignes idéologiques. La première, défendue par le gouvernement et la majorité des députés LREM, souhaitait en revenir à la version du texte adoptée en première lecture, avant son amendement par le Sénat. La seconde, prônée notamment par Jean-Louis Touraine et Guillaume Chiche, défendait la surenchère progressiste issue de la commission spéciale, autorisant par exemple la méthode ROPA. La troisième ligne idéologique, portée par la droite parlementaire, espérait en revenir à la version restreinte du texte telle que votée par le Sénat en février.
C’est finalement la ligne gouvernementale qui l’emporte, et le Premier Ministre se gaussera assurément du cynique équilibre qu’il revendique. Et pour cause : les deux mesures les plus polémiques du projet de loi – la méthode ROPA et la PMA post-mortem – ont été écartées dans la soirée.
Lire aussi : Loi bioéthique jour 2 : la droite parlementaire active mais impuissante
La méthode ROPA, qui consiste à prélever les ovocytes d’une femme et à déclencher la grossesse chez sa partenaire, a été introduite dans le projet de loi par la commission spéciale. Défendue par les députés LR Maxime Minot et Pierre Vattin, cette méthode a finalement été écartée par un amendement du gouvernement. La palme d’or déconstructrice doit être décernée au ministre de la santé Olivier Véran pour son argumentation anti-ROPA. La loi bioéthique veut fonder la parentalité sur un désir, un projet, un amour, donc une volonté, une idée, une abstraction. Or, d’après lui, la ROPA irait à l’encontre de cette conception de la parentalité, puisqu’elle indiquerait que pour se sentir vraiment mère, la mère 2 se doit de porter concrètement l’enfant fabriqué avec les ovocytes de la mère 1. Comprendre : la ROPA est trop naturel, trop rétrograde, trop réactionnaire surement pour lui, car elle ferait le jeu du lien filial, biologique, charnel ! S’il relevait là une magnifique contradiction des progressistes, Olivier Véran témoignait d’une détestation inouïe de la Création et des réalités naturelles.
En ce qui concerne la PMA post-mortem, elle était portée par des amendements de LFI, du groupe Socialiste, de certains députés LREM ou ex-LREM (Touraine, Chiche et Taché en particulier) et par deux députés MODEM (Fuchs et Hammouche). Le Premier Ministre Jean Castex avait parlé à son propos de « PMA post-moderne » dans un lapsus des plus révélateurs. Elle a fort heureusement été retoquée.
Refuser les propositions ouvertement radicales pour neutraliser la charge polémique du reste du texte, et le faire voter en se faisant passer pour les maîtres du dialogue et du compromis.
LREM a fait montre hier soir d’une grossière danse du ventre. La frange radicalement progressiste des députés a été l’instrument d’une manœuvre politique à laquelle on ne sera pas pris. Refuser les propositions ouvertement radicales pour neutraliser la charge polémique du reste du texte, et le faire voter en se faisant passer pour les maîtres du dialogue et du compromis. Une fenêtre d’Overton législative en quelques sortes. Le jeu démocratique n’est décidément qu’un grand théâtre d’ombres.
A l’inverse du RN, la droite parlementaire a poursuivi sa besogne de la veille, malheureusement avec la même inefficacité. Remboursement limité aux problèmes médicaux, protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, différenciation des couples hommes/femmes et femmes/femmes, sacralisation du principe de gratuité du don, limitation du nombre d’embryons stockés et des recherches embryonnaires : autant de vaines tentatives d’encadrer le texte. Seule petite victoire, un amendement LR voté qui précise que les couples sont formés de « deux » personnes, afin d’éviter les trios. Voilà donc à quoi en est réduit le débat parlementaire en 2020 : prévenir l’émergence de trouples. Epoque pour le moins trouplante.
Lire aussi : Mgr Ginoux : « La transgression bioéthique sera une fois de plus la porte ouverte à toutes les violences »
Enfin, il faut noter la petite offensive gauchiste des députés LFI, qui ont réclamé en vain une formation des médecins pratiquant la PMA contre les LGBTIphobies. Craignant les médecins réactionnaires, ils ont par ailleurs appelé à remplacer la décision du médecin par une décision collégiale des membres du centre. Rhétorique victimaire et refus de l’autorité : les méthodes de la gauche, bien qu’usées, n’ont décidément pas changé.