Autant Guerre était une fascinante esquisse, qui éclairait davantage le traumatisme décisif que put représenter le premier conflit mondial pour le Maréchal des Logis Destouches, autant Londres est une fresque proprement extraordinaire, un tableau complet ne souffrant que de quelques touches imprécises, développée sur près de 600 pages, et dont l'état d'écriture auquel il nous parvient, même s'il ne fut pas pensé comme définitif, n'en donne pas moins une impression d'achèvement. Conçu comme la suite de Guerre, mais beaucoup plus abouti, donc, Londres commence avec l'arrivée de Ferdinand dans la capitale anglaise, avec sa blessure et sa décoration, à la suite d'Angèle et son Major, mais il se retrouve en fait éloigné d'eux et réside dans une espèce de pension pour putains, entre maquereaux, filles, anarchistes, découvrant le Londres interlope et nocturne au fil d'une suite de dérives plus ou moins alcoolisées, écorchées, lyriques, partouzardes, médicales, et toujours hallucinées.
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Un döblin français
La guerre de 14, en mettant la technique au service de la mort, a retourné le progrès contre lui-même. En résulte le fait que l'humanité de cette génération s'en trouve profondément blessée, et les personnages de Céline sont animalisés, en lutte pour survivre et jouir un peu avant le néant, après que toutes les grandes valeurs, autant patriotes qu'humanistes, ont été pulvérisées par la boucherie du front. Dans Londres, Céline rejoint une esthétique typique de son époque, celle du Döblin de Berlin Alexander-platz, ou du Brecht de L'Opéra de quat'sous : maquereaux, pègre, filles de joie, destins sordides, chansons tristes, sont mis en scène dans une Babylone moderne incendiée de séductions et de drames. [...]
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