Si notre langue sublime parfois ce que l’œil décèle, il nous faut pourtant lui éviter de se vautrer dans la facilité et de gaspiller les superlatifs. Nous avons sans doute beaucoup trop souvent écrit que quelque chose était « bouleversant », et on le regrette lorsque Lourdes se termine sur le regard de Jean, atteint de la maladie de Charcot, un regard qui révèle tout ce que les croyants espèrent, tout ce que les athées ignorent encore, un regard qui finit de faire de Lourdes un film « bouleversant » au sens le plus strict du terme. Ce film est une claque qui réveille les cœurs et les âmes au point de nous mettre un peu dans la situation de Moïse enlevant ses pompes devant le Buisson Ardent ou de saint Paul tombant de cheval. Montrant des mains blessées qui glissent sur la roche humide, d’autres qui se joignent pour espérer ou d’autres, encore, occupées à soigner des corps meurtris, Lourdes témoigne, Lourdes dévoile, et élève notre regard comme s’il s’agissait d’une flèche de cathédrale s’élançant vers le ciel. Lourdes s’ouvre sur le rocher de la grotte. La caméra capture ces mains qui y glissent et sont belles car usées, malformées, tremblantes, fragiles. C’est dans cet écrin que des millions de pèlerins s’abandonnent, se mettent à nu, physiquement lorsqu’ils plongent dans les piscines, ou psychiquement, quand ils murmurent aux pieds de la Vierge. L’œil de la caméra porte un regard christique qui n’esquive pas les corps blessés mais dont l’amour est pudeur et la distance, vérité. Prostituées, accidentés et malformés, ils sont là, humbles et reconnaissants. Reconnaissant de pouvoir partager quelques jours de plus avec un fils de deux ans qu’on sait condamné ; reconnaissant d’être porté malgré un corps qui vous emmure ; enfin reconnaissant de n’avoir jamais été abandonné, comme le ressent ce travesti du Bois du Boulogne. « Elle m’a regardé comme une personne regarde une autre personne », déclara Sainte Bernadette, et c’est précisément ce à quoi s’attellent les deux réalisateurs. Aussi la caméra se montre-t-elle d’une grande délicatesse pour recueillir les confessions en exploitant la technique pour mieux rendre perceptible l’impalpable. Les grands mystères ne peuvent être dits que par l’art authentique, celui de Lourdes, l’art qui ne détourne pas, qui ne ment pas, mais qui sublime tout en révélant une vérité profonde, et ce jusqu’à travers la souffrance et la mort. Dans ce théâtre unique, creuset de l’humanité souffrante, Thierry Demaizière et Alban Teurlai touchent au sacré, et la liturgie semble d’ailleurs indissociable de la présentation des personnages, qu’elle y soit articulée ou directement liée, et elle rythme l’entièreté du film. Si celui-ci trébuche parfois, comme Jésus à la troisième station, il se relève toujours avec la même élégance divine, s’interrompant seulement par instants pour des plans au tempo insolite. Dans une société aux appâts superficiels qui cache honteusement ses infirmes, Lourdes dévoile leurs âmes d’une beauté éblouissante. « Heureux les cœurs purs car ils verront Dieu », proclamait le Christ. Ceux qui verront Lourdes verront le reflet de Dieu dans le miroir des cœurs purs. Arthur de Watrigant
En installant leurs caméras à Lourdes, les réalisateurs Thierry Demaizière et Alban Teurlai sont allés à la rencontre des pèlerins, hospitaliers, malades, gitans, militaires ou prostituées. Ils ont écouté le murmure de leurs prières et capté leurs vies abîmées par l’épreuve, filmant Lourdes comme un grand théâtre anthropologique. Bouleversant.
Lire aussi : L’éditorial de Jacques de Guillebon : Guerre civile mondiale
Caméra christique
Élégance et coeurs purs
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