D’où vous est venue l’idée de créer votre mouvement étudiant ?
Aurélien : Les associations dites représentatives des juifs de France ne représentent qu’une partie des juifs, à savoir ceux de gauche et du centre. Les juifs de droite, eux, sont délaissés et n’ont donc pas d’appartenance à des mouvements précis. De plus, nous voulons rappeler que c’est un mouvement des étudiants juifs français. On est donc bien attachés à la France. Nous ne sommes pas juste des juifs : nous sommes aussi des Français ! C’est ce qui manquait aux associations qui ont pris un aspect assez communautaire.
Comment percevez-vous ce vide ?
Éli : Il y a un décalage total entre ce que pense le bureau national de l’UEJF et ce que pensent véritablement les juifs.
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Aurélien : Ce qu’on essaye de dire aux jeunes étudiants de l’UEJF, c’est que certes ils ne sont pas forcément comme la tête dirigeante de Paris, mais qu’en réalité tout est verrouillé. Ils ne pourront pas monter pour changer les choses de l’intérieur car c’est impossible. Au lieu de critiquer en permanence les étudiants de l’UEJF, nous avons choisi d’être à l’initiative et c’est pour cette raison que nous avons créé cette association alternative.
Pensez-vous que la communauté juive est de plus en plus menacée ?
Aurélien : Elle est menacée par l’islam et son expansion. Il y a toujours eu de l’antisémitisme en France. Mais il y a différents types et degrés d’antisémitisme. Dans les années 80, il y avait des restes de la Shoah mais c’était de l’ordre du préjugé. Aujourd’hui, l’antisémitisme est violent dans les écoles et facultés à cause de l’islam politique et de la gauche en général. Dans certains quartiers comme Sarcelles, des communautés juives ont été délocalisées à cause de l’islam politique.
Est-ce que depuis le massacre du 7 octobre, il y a un regain de l’antisémitisme en France ?
Aurélien : Le conflit a exacerbé les antisémites qui sont devenus de plus en plus virulents. Et puis la gauche s’est totalement rangée de leur côté. D’ailleurs, on parle plus d’antisionisme que d’antisémitisme. Selon l’extrême gauche : « Les juifs, on les adore, ils sont géniaux par contre les sionistes doivent être persécutés et combattus. »
Quels types d’actions organisez-vous avec votre association ?
Aurélien : Il y a d’abord un aspect intellectuel. Nous avons vraiment voulu nous concentrer sur la formation intellectuelle et culturelle, à travers des conférences ou des cours pour former idéologiquement les jeunes juifs étudiants mais aussi les jeunes actifs. Depuis juin, nous avons eu une centaine de jeunes qui sont venus avec à la fois un aspect cultuel (religion, fêtes comme des déjeuners sabbatiques) mais aussi un aspect culturel : sur le sionisme et sur la culture française pour montrer que nous sommes enracinés dans celle-ci. Nous faisons également des rencontres avec plusieurs hommes politiques comme le sénateur Stéphane Ravier.
On veut en faire un espace de débat où l’on espère qu’un jour viendront des hommes de gauche. Le débat est au cœur de la tradition juive et française. Nous avons aussi des actions militantes comme des collages devant Sciences Po. Nous avons fait la collecte du bleuet devant l’Hypercacher, pour témoigner de la dimension patriote autour de laquelle tous les jeunes se retrouvent. Il y a néanmoins un côté plus léger, avec un esprit de rigolade. Nous organisons notamment des soirées, etc.
Finalement, vous vous inscrivez dans le franco-judaïsme…
Aurélien : Nous nous inscrivons évidemment dans la grande lignée du franco-judaïsme, qui est né au XIXe siècle. C’est le mariage entre la culture juive et la France. Le premier mariage démarre avec Napoléon qui crée le Consistoire et organise toute la vie juive de manière pyramidale avec, à sa tête, un grand-rabbin, le but étant d’assimiler les juifs à la culture française. Tous les religieux que nous avons eus étaient des patriotes, comme Jacob Kaplan et de grands intellectuels qui faisaient des études profanes. C’était un moyen d’exister et de survivre en diaspora, créant un équilibre entre l’identité nationale et l’identité juive. Cela n’existe plus aujourd’hui car il y a eu la Shoah, ensuite l’État d’Israël et la Guerre des 6 jours qui ont remis en cause ce concept.
Éli : Ainsi que les vagues d’immigration séfarade, les juifs arrivant d’Afrique du Nord.
Aurélien : Néanmoins, il reste des traces du franco-judaïsme dans toutes les synagogues. Il y a la prière pour la France. Nous voulons toujours la mettre en avant et accentuer cet aspect patriotique. Parfois, beaucoup de juifs ont une crispation identitaire, à savoir si nous sommes des juifs français ou des Français juifs.
Éli : Il y a une réponse très simple à cette question : il n’y a pas de hiérarchie à faire entre les deux, ils peuvent être totalement compatibles.
Aurélien : Il existe toujours des intellectuels comme Alain Finkielkraut qui sont issus de ce franco-judaïsme. En parallèle, ils sont totalement connectés et enracinés dans la culture française, tout en étant tout aussi sensibles au sionisme.
Éli : Nous sommes des sionistes. Nous nous inscrivons dans le sionisme révisionniste et ne nous cachons pas comme ceux de l’UEJF, perçus comme sionistes alors qu’en réalité, ce mouvement a des tendances très douteuses. L’ancien trésorier portait le keffieh tandis que d’autres membres faisaient des photos devant le drapeau palestinien et, d’autres encore sont allés sur la tombe de Yasser Arafat, membre de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine). Le problème est que les jeunes sous-estiment le gauchisme de l’UEJF.
Aurélien : Ils attirent par les soirées. Quand on est un jeune juif de province, on se tourne naturellement vers l’UEJF pour se retrouver entre juifs. On se tourne donc naturellement vers l’UEJF qui attire grâce à des soirées, ce qui détourne les yeux du problème…
Éli : La réserve de l’UEJF sur le sionisme est évidemment liée à leur alliance avec SOS Racisme car de facto ils ne veulent pas froisser leurs amis de gauche.
Aurélien : On ne veut plus que les jeunes juifs soient des dhimmis en France. Le CRIF et l’UEJF ne disent pas réellement qui sont les antisémites car ils se sont acoquinés avec SOS Racisme et touchent des subventions de l’État. Depuis le 7 octobre, les personnes se rebellant contre Mélenchon se multiplient, comme s’ils découvraient qui était véritablement le personnage. Seulement, il n’y a pas que Mélenchon : les gouvernements de Macron et de ses prédécesseurs sont aussi fautifs.
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Éli : Les émeutes de 2014 à Sarcelles n’étaient pas la faute de Mélenchon. Lors de celles-ci, on a pu se rendre compte que ce fameux vivre-ensemble n’existait pas…
Aurélien : En 2014, une partie de la communauté musulmane s’est jetée sur la communauté juive. Les juifs se sont alors réfugiés à la synagogue où ils ont chanté la marseillaise afin de renouveler leur attachement à la France. Tout ce « pogrom », ce lynchage a été déclenché par Mélenchon qui a incité la jeunesse à montrer leur mécontentement vis-à-vis de Gaza. La jeunesse ne s’est évidemment pas trompé de cible et la jeunesse musulmane s’en est prise aux juifs. La gauche a toujours été antisémite : au 19è siècle, l’antisémitisme part de l’extrême-gauche.
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