Dans une société individualiste, le bien commun risque toujours d’apparaître comme un danger. Rappelons que le terme individualisme ne signifie pas pour Tocqueville une attitude morale, tel que l’égoïsme, mais une caractéristique d’un état social. Une société individualiste est celle qui se comprend comme étant constituée par des individus ; pour le dire autrement, une telle société est fondée sur la représentation partagée par ses membres que ce sont justement eux qui en sont la source et la finalité. Chaque individu se voit comme ce à partir de quoi la société se déploie.
Dans un tel contexte, l’invocation du bien commun ne témoigne-t-elle pas d’une régression vers des sociétés que l’on appellera holistes ; celles dans lesquelles le tout( holos, en grec) est premier, ceci impliquant une vision hiérarchique où chacun ne s’identifie qu’en trouvant sa place comme membre d’un ordre d’ensemble le dépassant ? Cette question est à prendre au sérieux tant est grande la hantise de nos contemporains de brimer la liberté individuelle au nom d’entités abstraites. Le regain d’intérêt contemporain pour l’individu tel que Tocqueville l’a compris va de pair avec la fin de ce que les sociologues ont nommé « les grands récits ».
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