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Philippe Muray : le séparé

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Publié le

22 mars 2022

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Concepteur du célèbre « homo festivus », le génial Philippe Muray (1945-2006) est l’un de ces grands intellectuels modernes à avoir livré une critique acide mais lucide de notre époque, dans un style des plus corrosifs.
Muret

« Que dirait-il aujourd’hui ? » est sans doute la question la plus posée concernant Muray, disparu en 2006. Oiseuse question en vérité, tant ses prédictions les plus effrayantes se trouvent aujourd’hui vérifiées. Certes, il est loisible de s’interroger sur ce qu’il aurait écrit de quelques phénomènes comme les réseaux sociaux, ou bien de certaines figures burlesques comme « l’influenceur », ou le « coach ». Mais les principaux traits de notre « Monde-monstre » ont par lui, dès leur genèse, été identifiés. Suffit, pour s’en convaincre, de relire L’Empire du Bien, paru en 1991.

L’œuvre de Muray est aujourd’hui pleinement reconnue, ce qui, à sa mort, n’était pas acquis. Il est abondamment cité, parfois jusqu’au malentendu, ce qui oblige inlassablement à préciser certains de ses concepts. « La fin de l’Histoire » par exemple, qu’il faut entendre, non comme la fin des évènements, mais, dans un sens hégélien, comme l’ère de l’indifférenciation généralisée (entre sexes, générations, espèces, public et privé, etc.), si bien que toute contradiction, ou dialectique, est désormais impossible, empêchant l’humanité de dépasser sa condition biologique. La voilà condamnée à se muer en une sorte d’animalité « high-tech » dont l’essence s’exprime par la fête, autre fameux concept murayen à clarifier. Celle-ci doit être comprise comme le symptôme d’une mutation anthropologique. Car elle a changé de nature : elle n’est plus interruption de la vie quotidienne, mais nouvelle modalité d’être au monde, caractérisée par le refus de toute différence ou limite. Et sa multiplication signale l’avènement d’une nouvelle humanité dépourvue d’intériorité, « désinhibée à mort », inapte à l’altérité, « déchue de sa rationalité », qui « s’éclaterait » dans tous les sens du terme. Homo festivus, n’est donc pas un vulgaire « coureur de fêtes », mais un personnage-type, une « sorte de marionnette conceptuelle », à la psychologie et aux mœurs sans précédent qu’il faut analyser. [...]

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