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PSG-Inter Milan : Les barbares sont entrés dans Paris

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Publié le

1 juin 2025

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Alors que le Paris Saint-Germain célébrait enfin sa première Ligue des champions, la capitale sombrait dans la violence. Entre feux de joie et incendies urbains, entre clameurs victorieuses et cris de haine, la nuit du 31 mai 2025 a vu Paris vaciller. Des Champs-Élysées à la place des États-Unis, notre reporter a arpenté les rues envahies par les flammes, les lacrymogènes et les hordes déchaînées. Récit d’un triomphe devenu naufrage.
© Unsplash

Fluctuat nec mergitur, disaient-ils. Et pourtant, cette nuit-là, la capitale semblait sombrer. Elle tanguait sous les brasiers, suffoquait sous les lacrymogènes, bégayait sous les hourras d’une liesse devenue haine. Ce devait être une nuit de gloire, elle fut une nuit d’effroi. On attendait la joie, on eut le chaos. Le PSG triomphait enfin sur la scène européenne, mais Paris, elle, sombrait.

Tout avait pourtant commencé comme une promesse. Une ville parée de ses plus beaux atours, des drapeaux bleu-rouge aux balcons, des chants entonnés place du Trocadéro, sur les terrasses du 16e arrondissement, dans les bars saturés de cris et de vapeurs d’alcool. Il faisait chaud, trop chaud peut-être, comme un avertissement dans l’air lourd de fin mai. Le Paris Saint-Germain menait la finale contre l’Inter Milan. Les écrans géants diffusaient les images d’une victoire attendue depuis toujours. Les corps vibraient, les voix s’unissaient. Et puis…

Départ de feu

Puis il y eut Kléber. Premier épicentre. Premier basculement. 22 h 45, les premières fusées s’élèvent. Les cris changent de nature. Moins de joie, plus de défi. On remplace les chants par des hurlements. « On va foutre le plus gros bordel que Paris n’ait jamais connu », lâche un jeune venu de Bondy, torse nu, le regard fou. Et déjà, dans le ciel de Paris, des lueurs rouges éclatent comme des présages. Chaque but marqué par le PSG faisait monter un peu plus les tensions.

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La sociologie des supporters change radicalement. Les bourgeois de la banlieue ouest ont déserté les rues, la foule devient alors entièrement composée de jeunes racailles venues des cités. La foule est surexcitée. Surgissent de toutes parts des hommes encagoulés, torses nus, prêts à en découdre. « T’es bourré ? », lance l’un d’eux à L’Incorrect, « c’est mieux dans ce genre de moment, tu sens moins les coups », avant de repartir en courant vers un abribus.

Mortiers, fumigènes, sirènes. L’objectif des émeutiers est clair : rejoindre à tout prix l’avenue des Champs-Élysées. Les CRS tentent de contenir, sans y croire. Un officier, impuissant, avoue : « Avec la gendarmerie mobile, on vient tout juste d’arriver. Les supporters sont arrivés plus tôt que prévu. » Mais ce ne sont plus seulement des supporters. C’est une foule composite, mouvante, organisée dans sa désorganisation, mue par un instinct de destruction plus que par une ferveur footballistique. Avenue Kléber, la situation devient totalement hors de contrôle.

Les émeutiers n’ont alors aucun désir, seulement l’envie de saccager ; aucun message, seulement des tee-shirts noirs autour du cou, la haine.

Des hordes se déversent vers les Champs, à pied, en scooter, en voiture. On grille les feux, on klaxonne à mort, on bloque la circulation. L’air devient irrespirable. Des nuages de gaz lacrymogènes flottent comme une brume de guerre. Les grands hôtels barricadent leurs portes tandis que plusieurs hommes en noir débarquent de fourgons, portes et fenêtres ouvertes. On se croirait dans un film de siège. Mais c’est bien la capitale française. Et ce n’est que le début.

À Marceau, la fête tourne à l’émeute. Un feu est allumé avec méthode. On alimente le brasier avec des Vélib’. Les feux d’artifice, censés célébrer la victoire, deviennent des projectiles contre les forces de l’ordre. Une voix hurle : « On va faire la guerre aux condés, mettez de l’essence ! » Paris devient un champ de bataille. Les émeutiers n’ont alors aucun désir, seulement l’envie de saccager ; aucun message, seulement des tee-shirts noirs autour du cou, la haine.

Le sport, prétexte de ce carnaval de feu

Les pompiers arrivent, croyant encore à l’autorité de leur uniforme. Mais les casques rouges sont accueillis par des cris, des jets de bouteilles, des insultes. Le camion est encerclé. Pris d’assaut. Les soldats du feu tentent de reculer, mais les émeutiers, surexcités, les bloquent. Une scène de guerre urbaine. Dans les flammes, on jette tout : poubelles, scooters, barrières, vélos. On danse autour des foyers comme des possédés, sortis d’un autre temps. La foule filme, poste, commente. On brûle Paris en direct.

Place des États-Unis, deux policiers sont encerclés par une centaine de jeunes. Ils reculent, le regard fixe, les matraques prêtes. On est à deux doigts du lynchage. La BRAV-M surgit, crache une salve de gaz. Les corps fuient. Paris respire, brièvement. La nuit, elle, continue.

On se demande à quoi riment ces scènes. À qui profite ce carnaval de feu ? Le sport est un prétexte. Le PSG, un alibi. Les maillots deviennent des uniformes, les visages sont masqués. Les slogans sont ceux d’une révolte qui n’a plus rien de social. Paris devient un théâtre d’exorcisme, où la haine de l’ordre, de la police, de la France, se donne libre cours.

La devise de Paris, Fluctuat nec mergitur, semble ce soir-là n’être plus qu’une provocation. Elle flotte, oui, mais au bord du naufrage. Il y a, dans cette nuit, quelque chose de la fin d’un monde : celui d’un ordre républicain naïvement assuré de sa légitimité. Ce n’est pas un soulèvement populaire. C’est une démonstration de force d’une jeunesse qui n’a plus peur, parce qu’elle ne respecte plus rien. Ni le drapeau, ni la ville, ni la vie.

Il y eut un soir, il y eut un matin

Le matin, il reste des cendres. 491 interpellations à Paris. Deux morts, des dizaines de blessés. Des policiers, des pompiers, des passants. Des vitrines brisées, des commerces pillés, des voitures calcinées. Et ce goût amer d’une victoire qui a viré au saccage. Le PSG soulève la coupe, mais Paris, elle, s’effondre un peu plus.

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On ne refera pas ici le procès du football, ni celui de la police. Mais on peut au moins interroger ce que cette nuit dit de nous. D’une société incapable de célébrer sans se mutiler. D’un pays qui applaudit le sport en fermant les yeux sur les violences qu’il engendre. D’une capitale qui, une fois encore, s’est donnée en spectacle. Et pas dans la lumière.

Ce soir-là, Paris a tremblé. Non pas de joie, mais de rage. Non pas de passion, mais de haine. Et au milieu des brasiers, il ne restait qu’une vérité nue : le feu est devenu notre langue commune. Et la République, elle, n’a plus les mots pour éteindre l’incendie.

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