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Quand l’achat devient un vote

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Publié le

8 juin 2020

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Dans un certain nombre de dystopies, les grandes entreprises ont pris un telle importance qu’elles ont court-circuité les États. Une importance financière, sociale, idéologique, logistique, voire diplomatique. Cette idée a été particulièrement développée dans les oeuvres cyberpunk : par exemple, le livre de Philip K. Dick adapté au cinéma sous le titre Blade Runner, le jeu Cyberpunk 2077 de CD Project red, le mythique Neuromancien de William Gibson, ou encore le film Ready player one de Spielberg. Les littéraires, ceux qui rêvent, ont souvent une longueur d’avance sur les prévisions rationnelles des économistes et autres chercheurs. Pour notre malheur à tous, ils ont eu plus qu’une idée : une intuition.

 

Un certain nombre d’observateurs voient l’époque structurée par un libéralisme mondialisé post-historique. Or, si l’Europe respecte les règles de la libre concurrence, fût-ce à son détriment, un certain nombre de pays ont volontairement oublié la lutte « anti-trust » et encouragé l’émergence de monopoles. De ces monopoles, des super-entreprises ont émergé : Amazon, Ali-express, Apple, Google, Uber pour les plus connues. Ces entreprises, par leur produit originel, ont acquis une puissance financière et un réseau incommensurables, constituant un levier susceptible de s’approprier n’importe quel marché.

Par exemple, Amazon a commencé en faisant de la mise en relation entre un producteur et un consommateur. Avec l’appui de sa base de données, des habitudes de confort prises par ses clients, et d’un réseau de promotions entrecroisées, l’entreprise s’occupe désormais d’acheminer de la nourriture, de vendre des supports de lecture numérique dont elle vend également les livres, et investit largement le divertissement gratuit via l’achat de la plate-forme de streaming Twitch et la production de séries. Via le financement en soi à perte de Twitch, Amazon peut diffuser des millions d’heures de publicités extrêmement bien ciblées sur le prospect. Petit à petit, un écosystème intégralement maîtrisé par Amazon prend le contrôle de la vie du consommateur. À tel point que s’en retirer devient très difficile, en raison de la perte d’un nombre élevé de petits avantages qui sont autant de barreaux : la rapidité de livraison, les frais de port moins chers, moins de publicité sur Twitch, l’accès à la plate-forme de VOD « gratuite », etc. Et c’est un exemple parmi tant d’autres : combien d’entreprises en France (99,9% des entreprises sont des PME pour 6,3 millions de salariés, chiffres d’economie.gouv.fr) peuvent fonctionner si Google et ses services gratuits comme Drive disparaissent du jour au lendemain ?

 

Lire aussi : Philippe Herlin : “Le conservateur a abandonné ses valeurs pour se réfugier dans l’historicisme”

 

Ces super-entreprises surpassent très largement la puissance de feu de certains États, en matière de pouvoir de coercition notamment. D’autant qu’en prenant en main l’intégralité de la vie de leur client, elles invisibilisent le service public par leur service privé, dont le rapport argent versé-service rendu est plus immédiatement tangible. Lorsque Space X permettra à toute l’Afrique de disposer d’internet via sa chaîne de satellites Starlink lancés récemment, la gratitude produite lui reviendra, en lieu et place des maigres gouvernements locaux. Pour ces raisons, disposer de tels acteurs est un enjeu de souveraineté absolument stratégique, comme le rappellent les officier chinois Wang Xiangsui et Qiao Liang dans leur essai La guerre hors limites. Dans ces combats de géants, l’Europe est extrêmement mal partie. La Chine a développé ses propres réseaux sociaux et son propre service de distribution. La Russie a sa propre plate-forme de vidéo, son moteur de recherche. Et ce que la Russie peut faire, la France peut le faire mieux.

Toujours est-il que le marketing des ces puissances surnationales requiert une dimension politique, dans la mesure où l’achat est devenu un vote. D’autre part, l’État en tant que structure est devenu gênant pour ces entreprises en guerre perpétuelle contre le concurrent. Dès lors, politiser le marketing permet de faire d’une pierre deux coups : la stratégie de récupération des communautés les plus turbulentes et donc les plus médiatisées permet la récupération de l’achat-vote des masses, et contribue à affaiblir les États en les déstabilisant. L’ancien monde appelait clientélisme le comportement d’un politique qui soignait les intérêts d’un groupe restreint d’électeurs, lequel payait par ses votes ce service. Les entreprises surnationales ont pris ce mot au premier degré.

La mort tragique de George Floyd est exemplaire à ce titre. Burger King, célèbre chaîne de malbouffe mondialisée, a annoncé en grande pompe que son prochain hamburger sera appelé « le Floyd ». Cet homme, quoique délinquant violent, multirécidiviste et dangereux n’avait pas mérité de mourir étouffé sous le genou d’un policier également violent, mais il n’a encore moins mérité qu’une boîte réputée pour se faire de l’argent en vendant de la nourriture bas de gamme appelle un sandwich par son nom. Georges Floyd a été récupéré par une entreprise qui espère récupérer des clients supplémentaires ; autrement dit, il est devenu à son insu un produit marketing en tant que tel. Répugnant. Les responsables de la mort de George Floyd sont nombreux : lui au premier chef, parce qu’il était délinquant et drogué ; le policier qui a fait preuve de cruauté ; les dealeurs qui lui ont fourni les produits nombreux qu’il avait dans le sang, et tous ceux qui par haine soufflent sur les braises de la haine raciale. Dans ce dernier groupe, les entreprises qui se politisent pour conquérir des parts de marché sont partie prenante. Netflix, Ben and Jerry’s, Starbucks, Burger King, Call of duty, Playstation, Nike, Patagonia, Adidas, Reebok, WarnerMedia, YouTube, et des centaines d’autres.

 

Frichti et Starbucks sont à la pointe de la lutte pour la régularisation des sans-papiers. Grandeur d’âme ? Non, besoin de quasi-esclaves sans noyés dans la misère et incapables de s’assimiler, donc prêt à tout pour quelques euros ; ils font un personnel facilement domesticable.

 

La récupération idéologique des communautés agitées, comme les LGBT et les indigénistes, est d’autant plus scandaleuse qu’elle accentue le sentiment qu’elles sont majoritaires dans la population, ce qui est intégralement faux et produit un mal immense. Cet activisme fausse la perception de la réalité. Et le mal s’étend à tous, y compris ceux censément défendus par ces établissements. Dans certains cas, le rapport entre promotion idéologique et intérêt commercial est particulièrement clair. Les exemples les plus limpides sont sans contexte à chercher dans les services de livraison. Au cours du XXe siècle, le grand patronat européen a défendu l’immigration de masse contre l’avis des syndicats rouges et des communistes, parce que l’ouvrier déraciné et perdu dans un pays qui n’est pas le sien peut être payé moins cher à travailler plus. Les appels d’air récents de l’Allemagne aux émigrés syriens sont de même nature : l’objectif est de fournir des ouvrier payés une misère à l’industrie rhénane.

De même manière, Frichti et Starbucks sont à la pointe de la lutte pour la régularisation des sans-papiers. Grandeur d’âme ? Non, besoin de quasi-esclaves sans noyés dans la misère et incapables de s’assimiler, donc prêt à tout pour quelques euros ; ils font un personnel facilement domesticable. Quoique : abandonnés au moment du confinement comme les bobos n’abandonnent pas leurs chiens avant les vacances d’été, les « livreurs de bonheur » de Frichti ont fait l’objet d’un papier de Libé qui a fait du bruit. De quoi commencer à faire réfléchir les clients sur l’intérêt réel des entreprises à faire de la politique militante. Pour le CLAP, Collectif des livreurs autonomes de Paris, le turn-over important et le recours massif aux sans-papiers sont des éléments clef du modèle économique. Les chiffres sont sans appel : ces entreprises qui communiquent sur des livreurs qui sont des étudiants sportifs en quête de revenus complémentaires mentent. La majorité des livreurs sont des immigrés récents qui font ce travail à plein temps. Et parfois dans des conditions de précarité lamentables : à Nantes, un grand nombre d’auto-entrepreneurs louaient leur numéro SIRET à des clandestins qui travaillaient pour eux. Le sourire auto-satisfait des militantes no-borders qui les ont amenés en Europe ne suffit probablement pas à réchauffer le coeur de ces hommes qui se demandent où sont ceux qui leur ont promis un rêve. Dès lors, la perspective d’une carrière dans la criminalité et le recours à un “racisme systémique » imaginaire comme exutoire deviennent des options naturelles.

L’esthétique cyberpunk et les villes de science-fiction se caractérisent – entre autres – par une omniprésence de la publicité. Sur les murs, des écrans géants ne laissent aucun répit au promeneur. Victor Hugo avait déclaré la « guerre aux démolisseurs », estimant que la beauté d’un monument appartient en quelque sorte à tous, qu’elle est « un bien commun de la nation ». Les façades des grands monuments parisiens recouverts par des encarts publicitaires sont un signe palpable de la disparition de cette notion, de cette conviction que la beauté de l’espace public est plus importante que l’intérêt financier de telle entreprise ou tel particulier. Si chacun peut ressentir un malaise devant ces affiches qui recouvrent nos monuments, pourquoi ne pas ressentir le même face à cet activisme idéologique mercantile qui recouvre les pots de glace, précèdent les films, et nomment les hamburgers ?

 

Par Louis Lecomte

 
 
 
 

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