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Quels remèdes pour la médecine de ville ?

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Publié le

17 février 2023

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Classé meilleur au monde par l’OMS en 2000, le système de santé français s’effondre et au-delà des urgences la médecine de ville est touchée elle aussi. Heureusement des solutions existent.
médecins

La médecine de ville désigne l’ensemble des activités de soin réalisées en dehors des établissements de santé ou des établissements médico-sociaux. Elle englobe donc l’ensemble des professionnels de santé libéraux et salariés officiant en dehors de l’hôpital ou des établissements de santé.

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Voilà vingt ans qu’on s’alarme sur le manque d’accessibilité aux soins de la France dite périphérique. On sait aujourd’hui que le problème touche l’ensemble du territoire. Selon un rapport publié en 2018 par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DRESS), sur la démographie des professionnels de santé : 8,6 % de la population vit dans une commune manquant de médecins généralistes. « Ce sont le plus souvent des communes rurales périphériques […] Toutefois, des espaces urbains sont également touchés : un quart de la population habitant dans une commune sous-dense en médecins généralistes vit dans un pôle urbain, dont près de 18 % dans l’unité urbaine de Paris ». En clair, la pénurie de médecins se fait aussi ressentir dans les grandes villes. Quiconque recherche un dermatologue ou un cardiologue à Paris s’en est forcément aperçu.

Médecine de 3è âge

Selon la DRESS, la France compte près de 230 000 médecins en activité (régulière ou partielle), dont un tiers exerce en pré-retraite. Cela fait près de 77 000 médecins qui cesseront d’exercer dans les prochaines années, tandis que la population française, elle aussi, vieillit et voit ses besoins médicaux augmenter fortement.

Le docteur Benoît Papon est médecin généraliste, urgentiste et président de la chambre syndicale des médecins libéraux des Hauts-de-Seine et de l’Ouest parisien. Il met en cause les décisions prises par les gouvernements successifs des quarante dernières années. « Il y a une pénurie de médecins, que ça soit des généralistes ou des spécialistes. Il n’y a plus de gyné- cologue, plus d’ophtalmologue, plus de pédiatre. Lorsque vous formez des médecins, vous formez une courbe de Gauss, dont nous atteignons actuellement le sommet. Cette courbe avance avec les âges. Tous ces médecins qui ont été formés dans les années 70, cinquante ans après, arrivent tous en retraite. Il aurait donc fallu que les types de l’ENA, il y a de ça 10 ans, pensent que dans les années 2023, on aurait 77 000 médecins en moins. Or on n’en forme que 10 000 ».

40 % des médecins fraîchement diplômés s’installaient en cabinet libéral. Aujourd’hui ils ne sont plus que 10 %

En cause donc: le numerus clausus mis en place dans les années 70, abandonné en 2020; et la suppression du Certificat d’Études Spécialisées qui permettait aux étudiants ayant échoué au concours de l’internat, de devenir spécialiste de ville. Tout aussi aberrant: les médecins en cumul emploi-retraite cotisent à fonds perdus. Si un médecin en âge de prendre sa retraite décide de continuer à travailler, il continue à cotiser des sommes folles mais qui n’augmenteront pas sa retraite d’un centime. De quoi n’inciter personne bien entendu.

Faire venir davantage de médecins à diplôme étranger ? Pour l’instant, ceux-ci ne peuvent exercer que dans les établissements publics de santé. Et même si tel n’était pas le cas, le docteur Papon s’insurge contre cette solution : « On va aller prendre le peu de médecins qu’il y a en Tunisie, au Maroc, en Algérie, pour les faire travailler en France ? Je ne suis pas sûr que ça soit une idée lumineuse ».

Le mal de mère

Autre facteur de pénurie, la féminisation de la profession. Selon le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) : « Pour la première fois de l’histoire de la médecine en France, désormais une majorité de médecins en exercice régulier sont du genre féminin (50,5%), conséquence d’une féminisation progressive des études médicales ces dernières décennies ». Or, quand on parle de «densité médicale», il ne suffit pas de rapporter une offre disponible sur un territoire à la population y résidant. On prend aussi en compte le temps de consultation disponible. C’est là que le bât blesse explique le docteur Papon: «La profession médicale s’est féminisée, mais elles restent des femmes qui enfantent. De ce fait, elles n’ont pas envie de se retrouver six jours sur sept dans un cabinet ou à l’hôpital, comme le faisait le médecin de famille dans les années 70/80. Leur activité est moindre, ce qui diminue la disponibilité en temps de consultation ». De l’aveu du docteur Papon, la chose a semblé normale, du moins au début. Mais en analysant le mode d’exercice des hommes qui s’installaient, il est apparu qu’eux aussi voulaient travailler quatre jours par semaine. « Eux aussi ont envie de profiter de leurs enfants et veulent travailler moins que leurs prédécesseurs ».

Plutôt salariés qu’installés

« Travailler moins pour vivre mieux » n’est pas la seule nouveauté dans le mode d’exercice. Autrefois, 40 % des médecins fraîchement diplômés s’installaient en cabinet libéral. Aujourd’hui ils ne sont plus que 10 %. La plupart préfèrent exercer en remplacement ou en tant que salarié. Pour le docteur Papon, rien n’est fait pour donner l’envie d’une instalation aux jeunes médecins. « Les médecins libéraux ont une charge administrative démente. Dans le temps, c’était madame qui s’occupait du téléphone et qui répondait bénévolement aux patients. Maintenant, il faut un secrétariat et la charge administrative a été multipliée par trois. Vous voyez des patients pendant huit heures et ensuite vous passez deux heures à classer vos dossiers dans l’ordinateur, à mettre en mémoire les comptes rendus de radio, de labo, d’examens complémentaires ». Claire Siret, responsable de la santé publique au CNOM, estime le temps moyen consacré par un médecin aux tâches administratives à 13 heures hebdomadaires.

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Quels remèdes pour la médecine de ville ? Le collectif « Médecins pour demain » demande le doublement du tarif des consultations. Faire passer le prix de la consultation de 25 à 50 euros faciliterait aux médecins libéraux le paiement d’un secrétariat, d’une assistante médicale ou d’une infirmière, et ainsi de dégager du temps de consultation. Un tarif plus avantageux serait également plus incitatif pour l’installation des jeunes diplômés. Favoriser la création de centres de santé avec des médecins salariés rémunérés par le département ou les communautés de communes permettrait d’attirer de jeunes médecins diplômés dans des zones peu attractives. Quant à l’abandon du numerus clausus, il sera insuffisant pour pallier la pénurie de médecins, notamment parce que les capacités d’accueil en études de médecine, que ce soit en amphi ou en stage, ne sont pas infinies. Alors, ouvrir des places oui, mais pour qui ? Il est nécessaire de cibler l’ouverture de nouvelles places en fonction des appartenances régionales. Ouvrir tant de places mais uniquement pour des étudiants venant de la Nièvre ou des Alpes maritimes. Objectif: faire qu’une fois diplômés, les jeunes médecins repartent exercer là où ils ont des attaches.

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