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Rapport Mathiot : une réforme du bac bien mal engagée.

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Publié le

1 février 2018

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Blanquer

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Mercredi 24 janvier, Pierre Mathiot, chargé de mission du ministère de l’Education nationale, a rendu sa copie : un rapport de 65 pages intitulé « un nouveau baccalauréat pour construire le lycée des possibles ». Ce document va servir de base à une réforme emblématique promise par le candidat Macron.

 

Il s’agit du premier chantier d’envergure pour Jean-Michel Blanquer qui, depuis 8 mois, a surtout enchaîné les annonces (dont certaines vont dans le bon sens) et des mesures ciblées (comme sur les rythmes scolaires ou l’opération « devoirs faits » au collège). Ce dossier est d’une très grande complexité et les enjeux, pédagogiques et politiques, sont immenses. Face à ce défi (réformer un diplôme  devenu une véritable institution), les réponses du « rapport Mathiot » apparaissent d’emblée très insuffisantes.

Dès le lancement de la mission en novembre 2017, des signaux inquiétants ont été envoyés, notamment sur le calendrier (extrêmement court, la réforme devant s’enclencher pour les élèves de seconde dès 2018) et sur le profil de Pierre Mathiot (proche du Parti Socialiste et ancien directeur de Sciences Po’, c’est-à-dire un temple du politiquement correct). Le rapport remis à Jean-Michel Blanquer confirme ces inquiétudes. Il souffre de trois grands défauts qui compromettent la réussite de la future réforme.

 

Le tabou de la baisse du niveau, conséquence de l’idéologie du « bac pour tous ».

 

Premièrement, rien n’est entrepris pour traiter le cœur du problème, c’est-à-dire la chute du niveau du baccalauréat. Depuis que les socialistes ont décidé en 1985, par pur égalitarisme, de mener « 80% d’une classe d’âge au bac », le niveau de ce dernier n’a cessé de baisser. D’abord très sélectif (seulement 65% de réussite), il a perdu progressivement sa substance. Avec 90% de réussite (dont la moitié avec mention), l’idéologie du « bac pour tous » a conduit à l’effondrement du niveau et à l’engorgement total de nos universités. Rien dans le rapport Mathiot n’indique que ce problème sera traité, hormis la fin des épreuves où seuls les points au dessus de la moyenne comptent (p.20). La suppression du rattrapage (« épreuves de second groupe », p.11), mobilisant beaucoup de moyens, est une piste intéressante, mais il sera remplacé par un examen des livrets par le jury. Cet « examen de la situation de l’élève » pourrait s’avérer, si la tendance observée depuis des années se confirme, un moyen pour augmenter encore davantage le nombre de lauréats.

Pour couper court à toute discussion sur la question essentielle du caractère sélectif du baccalauréat, M. Mathiot annonce dès la page 9 qu’« il ne s’agit aucunement de mettre en cause les taux de réussite et l’objectif de 80% ». Sa réforme ne comprendra donc aucune revalorisation significative du niveau.

 

L’illusion du lycée flexible et individualisé.

 

Deuxièmement, ce rapport promeut une vision individualiste contraire au bien des lycéens et irréaliste du point de vue organisationnel. En voulant supprimer les filières L/ES/S, conçues comme un carcan, au profit de parcours flexibles dont on pourrait changer certaines matières en cours d’année (pp. 27-28), M. Mathiot imagine un lycée à la carte qui s’adapterait aux désidératas des élèves au lieu de leur apprendre à respecter leurs engagements. Il s’agit d’un signal clairement négatif : c’est aux élèves d’avoir de la constance et non au système de s’adapter. Surtout, cette promesse est irréalisable, même avec la semestrialisation. La liberté de choisir son parcours est en partie illusoire car intégralement conditionnée par l’offre de formation de chaque lycée ; abandonner certaines matières en cours d’année impliquerait de modifier les emplois du temps, les classes et le rythme de travail des professeurs. Pour ces derniers, M Mathiot évoque la possibilité d’annualiser le temps de travail pour l’adapter aux changements de matières voulus par les lycéens. Ce projet, parfaitement irréaliste, sera très probablement abandonné par Jean-Michel Blanquer.

 

Une imprécision inquiétante à moins de trois semaines des arbitrages finaux.

 

Enfin, ce rapport se contente, pour l’essentiel, d’énoncer de grands principes et des orientations très générales. Il est notoirement imprécis et ne comprend aucun tableau horaire ou simulation des différents parcours possibles. Il n’y a aucune comparaison chiffrée avec les filières actuelles. Les annexes, propices à ce genre d’informations, sont presque vides. Cette imprécision est flagrante pour les baccalauréats technologiques qui sont évoqués très furtivement et dont les contours ne sont absolument pas expliqués. Ce rapport ne comporte presque aucun chiffrage (hormis le poids de chaque épreuve dans la note finale), aucune maquette de formation, aucune considération budgétaire (sachant que le ministère a décidé de rogner les moyens alloués aux collèges et lycées pour les réaffecter dans les classes de CP/CE1 des zones « d’éducation prioritaire »). Une certaine indécision se dégage de ce document, notamment sur la question du contrôle continu (M. Mathiot évoque aussi l’hypothèse de contrôles « ponctuels » sur le modèle des partiels à l’Université) ou sur la modulation du temps de travail des professeurs (plusieurs scénarios sont présentés).

 

L’heure de vérité pour Jean-Michel Blanquer ?

 

M. Blanquer se retrouve donc, pour la première fois depuis son arrivée rue de Grenelle, dans une situation périlleuse. Cette réforme du bac, mal engagée et soumise à la double contrainte du calendrier et des restrictions budgétaires, pourrait marquer la fin de l’état de grâce dont bénéficie le ministre. En effet, on voit mal comment il va mener à bien cette réforme, tant les pistes proposées par le rapport Mathiot sont imprécises et souvent en décalage avec la réalité du terrain. Le « grand oral » version Sciences Po’ (qui n’est qu’un prolongement des actuels TPE*), le discours très controversé sur les « compétences », le saucissonnage des matières en trois « unités » (p.32) ou la promesse d’un « enseignement secondaire inclusif » (p.47) semblent dérisoires face aux défis réels, que M. Mathiot a soigneusement éludés dans son rapport : la crise des vocations (particulièrement grave pour les CAPES de mathématiques, de lettres ou d’anglais), la perte d’autorité des maîtres, les incivilités (voire l’insécurité) qui instaurent un climat scolaire délétère, la baisse vertigineuse du niveau, le communautarisme grandissant (conséquence d’une immigration massive et non-assimilée) ne trouveront malheureusement aucune solution dans la réforme qui se dessine.

 

Lire aussi : L’archipel du mammouth

 

Précipitation, imprécision et oubli des vrais enjeux : tous les ingrédients sont réunis pour que cette réforme, qui s’annonce très lourde à mettre en place, n’améliore aucunement le niveau scolaire et les conditions de travail dans les établissements.

 

* Les TPE (Travaux Personnels Encadrés) concernent les séries générales. Il s’agit de soutenances orales à caractère interdisciplinaire. En séries technologiques, certains oraux, comme les AID (Activités Inter Disciplinaires) suivent la même logique.

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