Skip to content

Rémi Brague : « le civilisé perçoit du sens là où le barbare n’entend que du bruit »

Par

Publié le

14 septembre 2020

Partage

Le déboulonnage des statues relève de la pire bêtise qui soit, selon Rémi Brague qui attend de l’État une fermeté exemplaire pour réprimer de tels agissements et la fin de toute repentance mémorielle.
Rémi_Brague©Benjamin_de_Diesbach-8

Le déboulonnage de statues de grands hommes européens comme Colbert, Saint Louis, De Gaulle, ou Napoléon, et les tentatives de réécriture de l’histoire de France sous un prisme racial par les mouvements décoloniaux proches de Black Lives Matter sont-ils des signes de barbarie ?

Je ne sais pas s’il est utile de mobiliser une notion comme celle de barbarie pour caractériser ces attitudes. Le mot de « bêtise » ne suffirait-il pas ? La bêtise est toujours simpliste, et quand elle passe à l’acte, elle repose toujours sur un « y’a qu’à, faut qu’on… ». La bêtise élémentaire consiste à réduire un individu ou un groupe à une seule de ses dimensions. Si on le fait jusqu’au bout, d’ailleurs, on va avoir du travail : il va falloir débaptiser le Mali, pays qui a repris le nom d’un empire esclavagiste ; il va falloir rappeler que Spartacus, dans la cité de gladiateurs fugitifs qu’il avait fondée, avait des esclaves ; il va falloir effacer des œuvres de Marx ce qu’il a écrit sur les Polonais, etc.

La pire bêtise est, derrière celle des hommes de main, celle des intellectuels, les « demi-savants qui troublent le monde »

La pire bêtise est, derrière celle des hommes de main, celle des intellectuels, les « demi-savants qui troublent le monde », ceux qui réduisent l’infinie complexité de l’histoire à un facteur unique : lutte des classes, dominants et dominés, et maintenant blancs contre noirs. C’est tellement simple : pas besoin de travailler, de s’informer, d’étudier l’histoire, le crétin de base s’imagine qu’il a tout compris. Pas besoin non plus d’un effort moral pour se rendre un peu moins méchant : il suffit d’être d’une certaine couleur de peau (blanche autrefois, noire aujourd’hui), voire de se revendiquer de celle-ci pour se croire du bon côté.

Au fond, qu’est-ce qui différencie un barbare d’un civilisé ? La culture ? La religion ? Le nomadisme ? Le respect des anciens ? En fait, qu’est-ce que la barbarie ?

Comme on le sait, « barbare » est d’abord une onomatopée. Quand on a affaire avec quelqu’un dont on ne comprend pas la langue, on s’imagine qu’il émet des sons dépourvus de sens : « br, br ». Les Grecs appelaient barbares tous ceux qui ne parlaient pas grec « comme tout le monde ». Le mot n’avait pas alors la connotation péjorative (sauvage, brutal, etc.) qu’il a prise depuis. La dimension linguistique est intéressante, à condition qu’on la retourne : le barbare n’est pas tellement celui qui ne réussit pas à se faire comprendre d’un auditeur censé civilisé ; il est bien plutôt celui qui renonce à essayer de comprendre, celui qui ne comprend pas qu’il y a quelque chose à comprendre. [...]

La suite est réservée aux abonnés. Déjà abonné ? Se connecter

Vous souhaitez lire la suite ?

Débloquez tous les articles de l’Incorrect immédiatement !

Formule Intégrale

À partir de 5,80€ / mois

  • Papier
  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Formule numérique

À partir de 4,10€ / mois

  • Web
  • Tablette
  • Mobile

EN KIOSQUE

Découvrez le numéro du mois - 6,90€

Soutenez l’incorrect

faites un don et défiscalisez !

En passant par notre partenaire

Credofunding, vous pouvez obtenir une

réduction d’impôts de 66% du montant de

votre don.

Retrouvez l’incorrect sur les réseaux sociaux

Les autres articles recommandés pour vous​

Restez informé, inscrivez-vous à notre Newsletter

Pin It on Pinterest