Vous avez été tous les deux mis au ban de la société pour avoir alerté sur le risque de l’implosion de la France. Dans quelle mesure les derniers événements vous donnent-ils raison ?
Richard Millet : Ces événements, qui sont bien plus que des événements dans une société où rien ne semble avoir lieu que dans le programme général du Spectacle, viennent après les émeutes ethniques des banlieues, en juin : ils sont une sorte d’intifada sporadique, une explosion de haine contre les Juifs et, plus généralement, contre tous ceux pour qui le nom de « Palestine » n’est pas un mantra ni Israël un agresseur. D’un côté, le Blanc européen, particulièrement haïssable en sa version judéo-chrétienne, de l’autre les gens « issus de l’immigration » musulmane, lesquels, en fin de compte, ne cessent d’immigrer intérieurement, c’est-à-dire de ne pas s’assimiler, ni même s’intégrer, parlant leur langue, se donnant des prénoms arabes, pratiquant un islam, « rigoureux », naguère chair à canon et sexuelle de Daech, et toujours les fourriers des Frères musulmans, depuis les milieux sportifs jusqu’au trafic de drogue, en passant par l’islamo- gauchisme culturel. Le nombre de ces musulmans constitue un fait historique sans précédent, à quoi le « modèle républicain », l’école publique, naufragée, le système judiciaire ne peuvent plus « répondre », l’Etat français ayant les mains liées par Bruxelles, les « instances internationales », et le politiquement correct du système médiatico-culturel. Tout ça, je l’avais senti, au début des années 80, déjà, quand j’enseignais en banlieue, et que je constatais que je ne pouvais plus dire « nous » en me référant à l’histoire de la France, même littéraire.
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Renaud Camus : Plût au ciel que les événements nous aient donné tort. Hélas, ils sont bien les seuls à se conformer docilement à nos phrases. Il me semble qu’ils deviennent de plus en plus clairs. C’est La Lettre volée. On nous accuse régulièrement d’être des complotistes, insulte que sont formatées à lancer les petites mains qui desservent la grande machinerie remplaciste. Mais être complotiste serait dénoncer des complots, des agissements de l’ombre, des conspirations lucifuges. Nous, tout au contraire, nous essayons d’attirer l’attention sur ce qui crève les yeux, le mystère en pleine lumière, le changement de peuple et de population, le génocide par substitution, la destruction des Européens d’Europe. Les événements, comme on disait déjà au temps de la guerre d’Algérie, et comme vous dites élégamment pour désigner à la fois les exactions de l’occupant au début de l’été dernier, le pogrom du 7 octobre en Israël et la guerre s’ensuivant, ne font en fait qu’un seul conflit, qu’on peut dater de 1095 à Clermont, ou du premier Allah Akbar mahométan, si ce n’est de la prise de Massada sous Titus. Il n’y a que deux camps : deux camps en Israël aujourd’hui, deux camps en France et en Europe, et voici que ce sont les mêmes. Ce qui embrouille un peu ce constat, c’est la trahison des mots, empressés à sauter d’un camp à un autre, et à céder aux sollicitations intéressées des parties.
Plût au ciel que les événements nous aient donné tort. Hélas, ils sont bien les seuls à se conformer docilement à nos phrases. Il me semble qu’ils deviennent de plus en plus clairs.
Renaud Camus
Prenez par exemple décolonisation, qu’Elon Musk vient encore d’obscurcir. Déjà, en France, le terme avait été volé par les colons, comme ils ont volé avec un incroyable aplomb celui d’indigène, de sorte qu’il faut incessamment rappeler que sur le sol de la patrie les seuls indigènes c’est nous, les seuls colonisés aussi, et de même les seuls décolonisateurs, si le courage nous en vient, si la fureur nous en prend et si la conscience de nos devoirs nous en ressaisit. Les Israéliens eux-mêmes ont eu grand tort de laisser appeler colons ceux d’entre eux qui s’installaient en Judée-Samarie ; c’est décolons qu’il faut dire, décolonisateurs, libérateurs de la patrie. Comme vient de le dire très justement Meyer Habib à l’Assemblée nationale, « jamais un juif ne sera un colon en Judée ». Et pareillement, jamais un indigène français ne sera un colon en Île-de-France, ni en France. C’est l’occupant, le colon. L’empire colonial arabo-musulman est avec le chinois le seul qui n’ait jamais décolonisé, sauf en Espagne, mais elle se laisse recoloniser à vue d’œil ; et sauf en Israël, qui est rentré en lui- même il y a trois quarts de siècle. Israël est l’étalon-or de toutes les appartenances. Si Israël n’est pas aux juifs, et si Jérusalem n’est pas à Israël, il n’y a aucune raison pour que la France soit aux Français et que Paris soit leur capitale : la ville peut verser tranquillement dans le bidonville global, comme elle n’y a que trop tendance.
Comment qualifieriez-vous cette implosion de la France. Guerre civile, guerre de religions ou guerre de civilisation ?
Richard Millet : J’ai toujours eu, par mon expérience personnelle, la guerre civile libanaise à l’esprit – et celle de Yougoslavie… La béatitude multiculturelle n’est qu’un instrument de domination politique. Ce qui a lieu en France est, oui, une forme de guerre civile dans la mesure où des millions d’individus « issus de l’immigration » musulmane, français par le droit du sol ou naturalisés, ne se considèrent pas comme français, la plupart haïssant même la France, notamment les Algériens chez qui cette haine est une construction politique attisée par le ressentiment historique, etc. ; une construction politico-islamique sous taqqiya (jeu avec l’apparence, tromperie) « française », à quoi travaillent les Frères musulmans et les gangs ethniques qui tiennent les banlieues des grandes villes, en France, et aussi en Belgique, en Allemagne, dans les pays scandinaves. Ce sont d’ailleurs ces gangs qui ont mis fin aux émeutes de juin dernier, car elles nuisaient à leur trafic, et non pas le pouvoir politique. Sur un autre plan, l’alliance spirituelle entre les juifs et les chrétiens se heurte à l’alliance objective entre l’islam et Coca Cola: celle du capitalisme mondialisé avec le fondamentalisme musulman du Qatar, de la Turquie, etc ; et donc entre les Français de souche, ou de cœur, et ces Français par opportunisme juridique ou géométrie variable qui sifflent la Marseillaise, vivent hallal, parlent arabe, ignorent note histoire, méprisent le christianisme, etc. Avez-vous vu des musulmans se dresser dans la rue, après l’égorgement de Samuel Paty puis de Dominique Bernard par des Tchétchènes ? Les avez-vous vus manifester contre l’antisémitisme ?
Renaud Camus : Guerre civile, certainement pas. Qu’on puisse parler de guerre civile à propos de ce qui s’annonce montre le degré d’aliénation auquel nous sommes parvenus, y compris dans les rangs des résistants au génocide par substitution. Si l’on parle de guerre civile, on reconnaît que l’occupant colonisateur imposé est français, et alors il n’y a aucune raison de faire la guerre. Une guerre civile, c’est au sein d’un même peuple.
« Avez-vous vu des musulmans se dresser dans la rue, après l’égorgement de Samuel Paty ? »
Richard Millet
Une guerre de libération décoloniale n’a jamais été une guerre civile, et ne le serait pas plus en France que le conflit israélo- arabe, la guerre d’Israël contre ses colonisateurs millénaires, n’est une guerre civile. Guerre de religions pas davantage : d’une part parce que nos colonisateurs imposés ne sont pas tous musulmans, bien loin de là ; d’autre part parce que nous ne sommes pas tous chrétiens, il s’en faut de beaucoup ; et parce que ceux d’entre nous qui le sommes le sont de moins en moins — sans compter que l’Église catholique actuelle est plutôt du côté de l’occupant, apparemment, ou du moins de l’occupateur (Davos, la davocratie, le remplacisme global, ses juges, ses journalistes et ses milices antifas).
Aviez-vous conscience en publiant certains de vos textes que vous preniez le risque d’une mort sociale ?
Richard Millet : Les signes avant- coureurs se sont manifestés très tôt, la presse cessant de parler de moi après que j’ai eu osé questionner l’identité de la France (pour parler comme Braudel) à partir des prénoms étrangers (ce qui valait aussi pour Kévin, avec un accent aigu, et Samantha), et pour avoir évoqué la solitude de l’homme blanc, à six heures du soir, dans le RER. Tollé ! Comment osez-vous regarder la
« peau des Français » et dire qu’il y a trop de Noirs, braillait-on de tous côtés – alors que je n’avais rien dit de tel, me contentant de poser des questions… J’oubliais que le rôle d’un écrivain, en France, est non pas de voir et de dire, mais de bêler dans le sens du Bien.
Renaud Camus : Bof, je n’ai jamais été très vivant, socialement. Et puis, mort pour mort, la mort sociale est encore la plus habitable. Quand on voit la vie du même nom, elle n’inspire pas tellement d’envie.
Quel a été le prix à payer ? Qu-est-ce qui vous a le plus meurtri ?
Richard Millet : Le prix à payer : plus d’éditeur, à l’exception du courageux Olivier Véron des Provinciales, et, bien sûr, l’opprobre attaché à mon nom : « écrivain d’extrême droite », ce qui relève du pavlovisme politique, non de la réalité. Opprobre qui m’a banni de la « scène littéraire » française, et des journaux et médias officiels, même ceux qui se veulent critiques du politiquement correct, exception faite pour Causeur et L’Incorrect. Tout était donc prévisible, et j’étais déjà seul, quand j’exerçais des fonctions éditoriales, le plus pénible restant qu’on ne m’ait pas lu, qu’on ne me lise pas – d’ailleurs on ne lit plus guère, en France, où l’enseignement de l’ignorance bat son plein…
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Renaud Camus : Oh, les débordements de l’Égout central (Mainstream) sont bien sûr assez salissants ; mais quel enseignement pour l’âme, sur l’homme, ses souterrains, ses officines à délation, ses réseaux de diffamation, ses surmulots, ses rats, la glauque animation de tous ses caniveaux ! Et puis songez à tous les avantages : pas d’éditeur dont on dépende, pas de vie littéraire, pas de foires et de salons. Je songe toujours au maître de Santiago : « Lorsque plus tard on voudra faire honneur à un homme, on dira : “il n’a pris aucune part aux affaires des Indes” ».
Quelle est la part de lâcheté, de complicité et de déni sincère ?
Richard Millet : Gallimard intimidant tout le monde par sa position éditoriale dominante, aucun intellectuel, aucun écrivain n’a pris publiquement ma défense, à l’exception d’Elisabeth Lévy, de l’Express qui m’a donné la « parole », et, à Beyrouth, de l’Orient littéraire. Certains des auteurs dont je m’occupais, chez Gallimard, ont signé la liste Ernaux, cet avatar de la liste Otto sous l’Occupation, les 121 signataires décrochant ainsi leur diplôme de pureté politique, de collabos du Grand Consensus narcisso-bourdieusien. Le déni, lui, est perpétuellement à l’œuvre ; c’est un moteur politique ; la lâcheté aussi, qui permet à des gens de me dire – toujours en privé : « Comme vous êtes courageux… »
Renaud Camus : Chez moi ? De lâcheté ? Eh bien par exemple, j’appelle à des révoltes auxquelles je serais bien en peine de fournir un apport physique bien considérable. De complicité ? Je paie mes impôts, je vote, je suis abonné à Canal Satellite, mes livres sont publiés et diffusés par Amazon, je passe des heures sur les réseaux sociaux, il m’arrive même d’acheter Le Monde. De déni sincère ? Dans la mesure où je suis écrivain, ce dont il ne m’appartient pas de juger, je ne puis être tout à fait sincère. La littérature, c’est la non-coïncidence avec soi- même, avec la phrase, avec le monde comme il va. Quant au déni, c’est le plus précieux apport de la psychanalyse à tous les totalitarismes : si on reconnaît les faits, on est coupable par définition ; si on les nie, on l’est par dénégation.
Quelle est la part de la déculturation dans l’aveuglement collectif ? Que peut encore la littérature aujourd’hui ?
Richard Millet : Un déni collectif qui a son origine dans la faillite de l’Éducation nationale, où les nouveaux maîtres sont les publicitaires, les rappeurs, les prédicateurs islamo-gauchistes ; de là des élèves conditionnés pour persévérer dans leur être communautaire, s’ils sont « issus
de la diversité », ou ne rien voir, s’ils sont authentiquement français. Trop « blanche », la littérature est devenue un instrument de « discrimination positive », quoiqu’il n’existe aucun philosophe noir, ni de grand roman « féministe ». La France a perdu tout pouvoir d’universalisation. L’IA va redéfinir tout ça – en pire.
Un déni collectif qui a son origine dans la faillite de l’Éducation nationale, où les nouveaux maîtres sont les publicitaires, les rappeurs, les prédicateurs islamo-gauchistes ; de là des élèves conditionnés pour persévérer dans leur être communautaire, s’ils sont « issus
Richard Millet
de la diversité », ou ne rien voir, s’ils sont authentiquement français.
Renaud Camus: La grande déculturation joue évidemment un rôle majeur dans l’aveuglement collectif et dans la passivité face au génocide par substitution. Comme j’aime à le dire, un peuple qui connaît ses classiques ne se laisse pas jeter sans rechigner dans les poubelles de l’histoire. Le Petit Remplacement, substitution du divertissement à l’art, du show-business à la culture, de la variété à la musique, était la condition indispensable du Grand, substitution de tous les peuples de la Terre au peuple indigène, sa colonisation. La littérature, Dieu merci, est ce qui se dérobe à cette logique implacable, l’et-pourtant- elle-tourne galiléen et improbable de cette fatalité économique et démographique que fomente la Machination, le « Dispositif » heideggérien. Mais Richard Millet a comme d’habitude mille fois raison, hélas : qui comprend encore ce qu’elle est ? Les gens vont jusqu’à la confondre avec l’information, ses phrases avec leur signification, et, pire que tout, les écrivains avec les intellectuels.
La France est-elle foutue ?
Richard Millet : L’ex-universalisme de l’espace-France, avec ses wilayas et bantoustans de Seine-Saint-Denis (dont sera un jour exigé qu’on en change le nom) et d’ailleurs, a tellement été dévalorisé, en soixante ans, par le tiers-mondisme, le gauchisme culturel, l’islamisme, le globish, la sous-culture yankee, la haine de soi, la repentance post-coloniale, que la France a cessé de représenter ce qu’il restait de particulièrement original, en Europe. La « normalisation » a lieu à Bruxelles, avec l’aide de la Cour de Justice de l’UE, du wokisme, de l’islamo-gauchisme, du doriotisme d’extrême gauche, les Frères musulmans, la « cause palestinienne », sans parler du Qatar, des Américains, des Chinois, des Russes, de tous ceux qui ont intérêt à voir l’Europe divisée, affaiblie, dé-nationalisée. D’où la nécessité de vivre en altitude, dans un apartheid volontaire où ne plus côtoyer les zombies et les pseudo-Français…
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Renaud Camus : Absolument. L’alliance des hyperriches avec les damnés de la Terre est imparable. L’interminable pacte germano-soviétique qui lie le remplacisme global davocratique avec l’islamisme (je ne suis pas assez intime avec cette religion pour l’appeler par son petit nom) est une tenaille contre-identitaire à laquelle on ne voit pas comment notre malheureux pays et l’Europe dans son ensemble, avide qu’elle est de sortir de l’histoire, pourraient échapper. Toutefois j’appelle littérature le reste irréductible des opérations comptables du réel. Il est vrai qu’Hermogène, celui qui prétend que les noms et les choses sont ce dont il est convenu qu’ils sont, gagne toujours, et il n’a jamais tant gagné qu’aujourd’hui. Et pourtant Cratyle, celui qui soutient que les noms et les choses sont ce qu’ils sont, ce que l’origine, l’origine de l’origine, la profondeur du temps, l’histoire et l’amour des hommes les a faits, Cratyle ne perd jamais tout à fait. Je l’ai écrit mille fois, j’ai une conception lazaréenne de la patrie. La légende veut que le véritable Cratyle, qui a donné au moins son nom au « personnage » de Platon, était juif, dans Athènes. L’hébreu, qu’on disait mort, a ressuscité comme langue vivante après vingt siècles. Si le Grand Remplacement est mené jusqu’à son terme, nous ferons comme les juifs, nous reviendrons dans deux mille ans. Le monde n’a pas fini d’entendre parler de nous.