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Pétain ou Poutine : la gauche au bal des hypocrites

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Publié le

7 juin 2023

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Si l’acharnement de la gauche à renvoyer le Rassemblement national aux heures les plus sombres de notre histoire traduit sa volonté de discréditer le parti, elle est aussi le résultat d’un mal-être historique. Petite mise au point.
EDM

Invité dans l’émission hebdomadaire « Quelle époque ! » présentée par Hala alias Léa Salamé, le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti a encore fait des siennes. La perche lui a été tendue par la présentatrice du service public, lorsqu’elle a demandé au ministre la question qu’il voudrait poser à l’ancienne présidente du Rassemblement national. « Madame Le Pen, qui préférez-vous : Pétain ou Poutine ? » tance Dupond-Moretti. S’en suit le ricanement habituel de la plaie télévisuelle Christophe Dechavanne.

Si le lien entre le parti à la flamme et le résident du Kremlin qu’a voulu établir le ministre de la Justice fait allusion au rapport de la commission parlementaire portant sur les ingérences étrangères, la référence à Pétain était purement gratuite – et pas franchement originale. Elisabeth Borne s’y était essayée en qualifiant le Rassemblement national de parti « héritier de Pétain ». Argument qui lui a valu une douche froide en Conseil des ministres par Emmanuel Macron : « On ne combat pas l’extrême droite avec des arguments des années 1990 ».

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Dans la continuité de sa stratégie de dédiabolisation, avant les sottises de Dupond-Moretti, le Rassemblement national avait rétorqué de manière assez offensive aux propos de Borne. Jordan Bardella a notamment répondu chez Yves Calvi : « Quand on est Premier ministre de la République française, on ne se comporte pas comme un chef de gang », avant d’ajouter sur le plateau de TPMP : « Le Rassemblement national n’est pas le Front national. Je suis né en 1995, je ne me sens pas de lien avec Pétain, et pour moi, la France, en 1940, était à Londres avec le général De Gaulle ».

Au-delà des bisbilles médiatiques, il faut se poser la question de l’utilisation quasi-quotidienne de cet argument depuis la création du Front national le 5 octobre 1972 rue de Grenelle à Paris. Factuellement, lors de la naissance du parti, il y avait bien certains collaborationnistes comme François Brigneau, vice-président du FN pendant un an et ancien membre de la Milice, organisation paramilitaire crée par le régime de Vichy. On compte aussi Léon Gaultier, membre du conseil national fondateur du parti et ancien officier dans la Waffen-SS. Ces horribles personnages, qui se comptaient sur les doigts d’une main, ont pourtant été vite écartés.

Renvoyer le parti qui a recueilli 13 millions de voix à la dernière présidentielles aux heures les plus sombres de l’histoire relève de la bêtise et de la malhonnêteté quand on connaît le passif de la gauche. Car en effet, en matière de collaboration, elle se doit de rougir. Si l’hypocrisie avait un nom, ce serait sûrement celui d’Elisabeth Borne. Celle qui a vu son père être déporté à Auschwitz durant la guerre est-elle au courant qu’elle est issue d’un parti qui a fait élire un président de la République décoré de la francisque ? En effet, l’ombre du maréchal Pétain plane sur le parti socialiste car elle plane sur sa plus grande figure : François Mitterrand. Ce dernier avait reçu des mains du maréchal Pétain la plus haute distinction du régime de Vichy (au printemps 1943, donc après la rafle du Vél’d’Hiv). Si vous en doutez, vous pouvez consulter la célèbre couverture du livre Une jeunesse française publié par le journaliste et essayiste Pierre Péan. On y voit le jeune François et Philippe Pétain face à face. La photographie est prise le 15 octobre 1942. On lit, dans les yeux de la future icône de la gauche, une admiration certaine à l’égard de son ainé.

Lire aussi : Quand la gauche collaborait

À noter que Mitterrand s’était aussi lié d’amitié avec René Bousquet, secrétaire général de la police du régime de Vichy. Il est l’organisateur principal de la rafle du Vélodrome d’Hiver de juillet 1942 et de celles du mois d’août. Lorsqu’il était en poste, c’est 60 000 Juifs qui ont été arrêtés et déportés. Rien que ça. Rappelons également qu’en 1940, lorsqu’Albert Lebrun, alors président de la République française convoque le Parlement à Vichy, la gauche qui s’autoproclamait « antifasciste » vote à 75% les pleins pouvoirs à Pétain.

Les éléments et faits sont accablants. Pourtant, la droite n’a jamais considéré la Première ministre comme héritière de Pétain. Alors, par pitié, arrêtons de renvoyer nos désaccords politiques aux heures les plus sombres et tristes de notre histoire. On aurait préféré que cette séquence n’eut pas lieu.

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