Cœur peut être lu comme une suite de La Grâce, tant sa construction, une fiction avortée débouchant sur une enquête, est similaire, et son objet voisin. Vous êtes-vous converti à une nouvelle manière d’appréhender la littérature ?
Ce qui est certain, c’est que Cœur s’inscrit dans le même genre du récit littéraire familial où tout est vrai, et que j’essaie d’écrire avec le plus de sincérité possible. Cela vient du fait que j’ai perdu foi dans le genre romanesque. Je n’arrive plus à adhérer à des romans où l’on me dit que le personnage principal s’appelle Sylvie alors que je sais que cette Sylvie n’a jamais existé ou n’a jamais été puéricultrice en Ardèche. Les seuls romans que j’arrive encore à lire sont ceux où, comme chez Houellebecq, le narrateur se confond avec l’auteur. Je me suis demandé pourquoi et j’en suis arrivé à la conclusion qu’on arrive à la fin du roman comme genre hégémonique, ce qu’il a été au XIXe avant que le XXe ait exploré tous les moyens possibles de sa déconstruction. Au XXIe, j’observe la tendance d’une littérature retournant au réel, ce que les Américains nomment la « narrative non-fiction ». Pourquoi est-ce en train de se développer comme un genre essentiel de notre époque ? Je crois que c’est parce qu’auparavant, quand on habitait dans son petit patelin, le roman représentait une fenêtre ouverte sur le monde. Aujourd’hui, où deux clics suffisent pour obtenir n’importe quelle information et n’importe quelle image, mais que ces informations se trouvent de plus en plus tordues, dans cette virtualité dévorante dans laquelle on vit, on a d’abord besoin de savoir ce qui est réel. [...]
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