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« Yes kids » de Gabrielle Cluzel : le combat joyeux des mères veilleuses

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Publié le

25 mars 2025

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Dans Yes Kids, Gabrielle Cluzel signe un plaidoyer drôle et mordant en faveur des mères de familles nombreuses, érigées en héroïnes discrètes d’une contre-société enracinée.
© Benjamin de Diesbach pour L'Incorrect

Il est des livres qui ne prétendent pas à la grande littérature mais qui, par leur vitalité, leur acuité sociale et leur humour ravageur, méritent d’être lus avec autant d’attention qu’un essai de philosophie politique. Yes Kids, le dernier ouvrage de Gabrielle Cluzel, s’inscrit dans cette veine combattive et réjouissante. La plume alerte de la directrice de la rédaction de Boulevard Voltaire s’y déploie sans retenue, avec cette énergie propre aux femmes qui, entre deux brassées de linge et trois batailles culturelles, trouvent encore le temps de défendre une certaine idée de la civilisation.

Dès les premières pages, le ton est donné : celui d’un pamphlet joyeux, d’un récit à mi-chemin entre le journal d’une mère de famille nombreuse et la chronique politique d’une France en pleine décomposition anthropologique. Il y a du Léon Bloy dans cette manière de mordre, mais aussi du Chesterton dans cette volonté d’opposer au désespoir du monde moderne la puissance d’un rire de résistance.

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Cluzel ne disserte pas : elle vit, elle incarne, elle raconte. Et dans ce récit incarné, les enfants deviennent des armes de construction massive. À contre-courant d’une époque qui considère la maternité comme un obstacle à la réussite individuelle et les enfants comme des pollueurs carbone, l’auteur revendique haut et fort le bonheur d’avoir une ribambelle de gamins aux joues rouges, armée joyeuse et braillante face à la fadeur des apôtres du néo-malthusianisme.

Yes Kids n’est pas un programme politique, c’est une déclaration d’amour à la vie. Une vie désordonnée, bruyante, épuisante, mais habitée. Et dans ce désordre fertile, Cluzel puise une énergie qui manque cruellement aux technocrates sans enfants qui peuplent les allées du pouvoir. Elle les regarde avec la compassion amusée de celle qui sait que la vraie richesse ne se mesure ni en KPI ni en parts de marché, mais en dîners trop salés, en dessins scotchés sur le frigo et en berceuses chantées à contretemps.

L’essayiste ne se contente pas de défendre la maternité : elle en fait un bastion. Là où certaines féministes y voient une aliénation, elle y décèle un acte de souveraineté. C’est Péguy : cette droite mystique et enracinée qui, dans la lignée des Cahiers de la Quinzaine, croit que le salut de l’humanité passe par le rétablissement des choses simples – le pain, le foyer, la parole donnée.

Cluzel ne geint pas, elle rit. Elle ne se lamente pas sur l’ingratitude de l’époque, elle y oppose la ténacité tranquille de celle qui sait qu’un enfant vaut plus qu’un tweet viral.

Son écriture est tranchante, parfois provocatrice, toujours drôle. Yes Kids, devient le cri de ralliement d’un peuple invisible, celui des mères au foyer, des familles nombreuses, des gens qui n’ont pas le temps d’aller manifester parce qu’ils sont occupés à faire tourner le monde sans en parler.

À travers ses anecdotes familiales – on espère que sa fille aînée a soigné son eczéma –, Cluzel brosse un portrait de la France périphérique, silencieuse, mais pas soumise. Une France qui n’a pas lu Judith Butler, mais qui sait instinctivement qu’un père ne peut pas être enceint. Une France qui ne sait pas toujours mettre des mots sur ses valeurs, mais qui les vit chaque jour, dans l’épreuve et dans la joie.

Là réside peut-être la plus grande force de Yes Kids : ne jamais céder à la tentation du ressentiment. Cluzel ne geint pas, elle rit. Elle ne se lamente pas sur l’ingratitude de l’époque, elle y oppose la ténacité tranquille de celle qui sait qu’un enfant vaut plus qu’un tweet viral. C’est une littérature du quotidien, mais transfigurée par la foi – foi dans la famille, dans la transmission, dans le bon sens populaire. Une foi qui, loin d’être un repli, devient une conquête.

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Bien sûr, les critiques ne manqueront pas. On reprochera à Cluzel sa vision rétrograde, son militantisme à peine voilé, son refus de l’air du temps. Mais c’est précisément ce refus qui rend son livre nécessaire. À l’heure où tout vacille, où l’on efface les repères au nom d’un relativisme dévorant, elle dresse la table, prépare un plat chaud, et rappelle à chacun que le bonheur n’est pas dans l’émancipation infinie, mais dans l’attachement, la durée, le service.

Yes Kids est un livre qui ne convertira sans doute pas les convaincus, mais qui apportera du baume au cœur à ceux qui, en silence, résistent encore. Un livre qui réhabilite la figure méprisée de la mère de famille nombreuse, non pas comme une héroïne sacrificielle, mais comme une femme libre. Une femme qui, en mettant des enfants au monde, fait bien plus que résister : elle bâtit. Et si c’était ça, la vraie révolution ?

Yes kids, de Gabrielle Cluzel, 204 pages, 21,50 euros, en libraire le 26 mars

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