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« 13 reasons why » : le lycée comme expérience carcérale 

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Publié le

21 mai 2018

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13 reasons @DR

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Sortie l’an passé à la même période, l’adaptation du roman pour adolescents 13 reasons why sous forme de série télévisée avait été couronnée d’un grand succès, entrainant de nombreux débats de société. Qu’en est-il de la tant attendue saison 2 ?

 

Reprenant le cours de son histoire cinq mois après son ultime épisode, 13 reasons why n’a malheureusement pas répondu aux espoirs immenses que la première saison avait laissé présager, perdant tant en intensité qu’en profondeur, sombrant parfois même dans la vulgarité. Le schéma narratif de la saison inaugurale était implacable, incroyablement efficace, voire indépassable, chaque épisode étant construit autour d’un événement narré par Hannah Baker, lycéenne suicidée ayant laissé une série de cassettes adressées à 13 personnes expliquant son geste. Au fil des révélations contenues dans ces récits intimes et déchirants, le spectateur se prenait d’affection pour les différents protagonistes du drame, incapables de faire face à ce passé envahissant, affligés d’un sentiment de culpabilité presque démesuré.

 

 

Si la seconde saison continue à explorer les méandres de la vie lycéenne états-unienne, décrite comme une expérience carcérale dans le droit fil des romans d’Edward Bunker, maître du genre, elle laisse son objet principal à distance. Hannah Baker n’est plus qu’une réminiscence, le souvenir de sa personne et de son suicide s’estompant. Quand elle s’adressait directement aux personnages dans la première saison, jouant le rôle de la mauvaise conscience, ses anciens camarades de classe tentent aujourd’hui de la faire parler. La jeune lycéenne ne peut pas défendre son histoire, ni même témoigner des sévices qu’elle a subis, laissant ses proches démunis. Eux-mêmes sont d’ailleurs éclopés, traumatisés, blessés spirituellement et physiquement.

Le schéma narratif de la saison inaugurale était implacable, incroyablement efficace, voire indépassable

Réalisés par le talentueux Gregg Araki, auteur sensible spécialisé dans l’adolescence et les marges – qui, dans Mysterious Skin, avait fait montre d’un don tout particulier pour la tragédie -, les quatre premiers épisodes pèchent pourtant par excès, plombés par une réalisation outrancière et une bande originale qui a perdu de son charme, les scènes majeures étant gâchées par des plages musicales qu’on dirait sorties d’un banal cop show du dimanche soir. L’autre écueil de cette seconde saison, outre son rythme plus décousu, est d’avoir été tournée après l’hystérie « Me Too ». Le message politique que tentent de faire passer les auteurs est lourd, insistant, revendicatif et sans nuances ; à l’image de Gregg Araki, dont le tropisme LGBT se fait ici beaucoup trop prégnant. 13 reasons why offre maintenant un visage moins délicat, et, surtout, trop didactique. Peut-être la série gagne-t-elle à être lue pour ce qu’elle ne dit pas, pour ce que ses auteurs avancent sans tout à fait le comprendre. Jamais le mal-être adolescent n’a été autant synonyme d’aliénation collective que dans 13 reasons why, où les péripéties des « ados » ne servent finalement que de prétextes à une démonstration sur l’expérience du lycée américain, dépeint en prison avec ses matons, ses gangs et ses victimes isolées sans la protection d’un groupe. Les parents et les professeurs sont à l’image de l’administration pénitentiaire d’Oz : dépassés. Quant aux lycéens, ils semblent condamnés à ne pas pouvoir sortir autrement de l’adolescence que six pieds sous terre.

L’autre écueil de cette seconde saison, outre son rythme plus décousu, est d’avoir été tournée après l’hystérie « Me Too »

Malheureusement, la série ne va pas au bout de sa réflexion. Les systèmes de domination ne sont pas analysés comme il se doit, et c’est bien plus une supposée tyrannie masculine, incarnée par les sportifs du lycée, que le pouvoir de l’argent qui y est dénoncée. Dans Breakfast Club, œuvre fondatrice du teen movie, les jeunes étaient déjà enfermés dans ces mêmes schémas. Toutefois, l’époque permettait aux groupes de se mélanger, de rire ensemble, de s’entraider. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas : sportifs, intellos ou marginaux refusent de se côtoyer, s’affrontent ouvertement. Le désespoir n’est pas loin quand il n’est plus possible de renverser l’ordre établi autrement qu’en créant une hiérarchie parallèle, inversée. 

 

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À l’heure où les Etats-Unis sont le théâtre de multiples tueries en milieu scolaire, le visionnage de 13 reasons why reste salutaire. La seconde saison étant tout de même, dans l’ensemble, d’excellente facture en dépit de facilités scénaristiques un peu trop évidentes et de sous-intrigues qui perdent le spectateur, peut-être en raison d’un changement dans les thèmes abordés. Le drame intime du suicide fait place aux drames du viol, plus généralement de la violence. Qu’a ce fait ce monde à sa jeunesse pour qu’elle soit aussi sombre ? Il est plus aisé de rejeter la faute sur les « porcs » masculins que d’organiser le procès de décennies d’esclavage mental…

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