La société post-COVID entend bien réaliser tous les fantasmes du libéral-libertarisme de la Silicon Valley, de cette agilité en vogue dans les tech-entreprises, ce nouveau modèle qui fait orès dans les conclaves managériaux : l’agilité, c’est-à-dire la transversalité, c’est-à-dire la déhiérarchisation (de surface). La crise sanitaire nous demande cette agilité, elle nous l’impose même. Face à une pandémie mondiale, il faut répondre par la souplesse : souplesse du droit du travail, souplesse des libertés individuelles. Désormais la planète ne sera plus un village global mais un open-space global, où le « distanciel » et la dérégulation de l’emploi permettront, sous couvert de respect des normes sanitaires, une meilleure pénétration du travail dans la sphère privée.
C’est le rêve de tous les chefs d’entreprise que de s’immiscer dans chaque foyer et de se rendre ubiquitaire. Vous l’avez probablement déjà expérimenté vous-même avec ces nombreuses messageries privées qui sont désormais utilisées autant par votre famille, vos amis, que par vos collègues ou votre patron : toutes ces applications invasives qui mêlent allègrement les contacts professionnels et les contacts personnels donnent à chaque secrétaire, à chaque commercial, l’illusion d’être un chaînon indispensable simplement parce que les barrières de son intimité sont tombées, le rendant corvéable à merci, jusqu’au cœur de son domicile et au-delà de ses heures de travail. [...]
Vous souhaitez lire la suite ?
Débloquez tous les articles de l’Incorrect immédiatement !