C’est à seize ans que bascule le destin de cette jeune toulonnaise à qui tout semble sourire. Alors en terminale, elle tombe amoureuse de Thaddée de Slizewicz, de six ans son aîné, qui rentre prématurément de Syrie, en raison de la première guerre du Golfe, où il menait une étude en tant que géographe. Thaddée, piqué par l’Orient, poursuit son cursus par une coopération de deux ans en Alep comme coopérant au service culturel du Consulat de France. Adeline l’y rejoint, lors de vacances estudiantines, alors qu’elle est en classes préparatoires à Sainte-Marie de Neuilly. Elle découvre Alep en 1992, une ville alors peu ouverte à l’Occident, car le pays a longtemps gravité dans l’orbite soviétique et sa structure sociale reste celle de l’islam traditionnel. « Quelques heures d’électricité par jour, une joyeuse désorganisation, la vie y est moyenâgeuse. Ce monde, grouillant et foison- nant, de couleurs, d’odeurs, de savoir-faire ancestraux, mosaïque de toutes les communautés ethniques et religieuses, toujours premier centre d’affaires, de commerce, d‘échanges, où les locaux tout autant que les villageois et nomades du désert syrien viennent s’approvisionner, est fascinant. Mais en tant que jeune étrangère, j’y suscitais beaucoup de curiosité et parfois de la défiance ».
Au cœur du souk, les savonneries, ouvrages utilitaires et joyaux architecturaux à la fois, perpétuent une science bimillénaire : la fabrication du « savon-laurier » (« saboun ghar » en arabe), dont l’odeur embaume les ruelles du vieil Alep. Homme rempli d’intuition, Thaddée pressent les attentes du marché. Il ose alors le pari fou qui fera le succès de l’entreprise éponyme qu’il fonde avec Adeline en 1994, à son retour de coopération, au moment de leur mariage, alors qu’ils ont vingt-six et vingt ans : réintroduire en France le plus vieux savon du monde, fait d’huile d’olive, d’huile de baies de laurier et de soude issue du sel marin, qu’il baptise Savon d’Alep, en référence à son cousin marseillais, dont il est l’ancêtre, mais que personne ne commercialise jusqu’alors. [...]
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