Votre livre repose sur cette idée que nous risquons d’être écrasés dans le jeu des grandes puissances. Comment justifiez-vous cela ?
Certains diraient que nous sommes d’ores et déjà écrasés par le jeu des grandes puissances. Car si la France a bien été, elle aussi, une grande puissance à certaines époques de son histoire, elle ne l’est plus depuis près d’un siècle, et elle éprouve désormais le plus grand mal à résister aux influences des principaux acteurs qui s’affrontent, économiquement ou militairement, sur le grand échiquier international. Il n’y a qu’à regarder les gesticulations d’Emmanuel Macron, ce président de la 6e puissance mondiale réduit à un impuissant « agir communicationnel » habermassien. Pour le dire trivialement, il gesticule, il bavasse, mais son influence, nationale comme internationale, est dérisoire. En témoignent les fessées répétées qui lui sont infligées par des pays comme l’Australie, qui a décommandé sans prévenir douze sous-marins nucléaires au profit des USA ; par le Mali, qui préfère à notre armée des troupes de mercenaires russes ; ou encore par l’Algérie, par la Turquie, par la Russie… Quant au plan national, le résultat est aussi médiocre. Emmanuel Macron est à ce point impuissant que même le renvoi d’un unique imam salafiste vers le Maroc, Hassan Iquioussen, est devenu impossible, sans parler des couacs à répétition, comme lors de cette malheureuse finale au stade de France.
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Ce qui paralyse l’action publique ? La raison est d’ordre théorique plus encore que pratique : notre incapacité à penser deux concepts-clefs du politique, la civilisation et la puissance. Le monde est entré dans le XXIe siècle par deux évènements majeurs qui se sont produits la même année, en 2001 : l’attentat djihadiste contre les tours jumelles à New York, le 11 septembre, et l’entrée de la Chine dans l’OMC, deux mois plus tard, jour pour jour ; mais nos responsables politiques et bon nombre de nos intellectuels sont restés idéologiquement bloqués dans le XXe siècle, incapables de penser la coupure épistémologique occasionnée par ces deux évènements, qui sont les clefs de compréhension de la grammaire des nations pour notre époque. Si elle veut éviter de disparaître à moyen terme, la France doit changer de paradigme politique. La question est : comment ? [...]
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