Construire l’après. C’est bien de cela qu’il est question après le triste spectacle offert par l’Assemblée nationale le soir du 4 décembre. Le point de départ ? Une dissolution incompréhensible en juin dernier, du fait d’un petit prince déjà déchu ; des élections législatives anticipées qui ne dégagent pas de majorité claire, faute d’alliances cohérentes entre ce fourre-tout que l’on appelle « socle commun » et le Nouveau Front populaire ; une nomination à Matignon, qui se voulait consensuelle en septembre, convoquant l’expérience du négociateur du Brexit ; un vote du budget impossible sans 49-3 et, maintenant, une motion de censure qui plonge la maison France dans une instabilité futile.
En ce début de soirée du mois de décembre, sous l’œil satisfait de Jean-Luc Mélenchon, les présidents des groupes politiques se sont succédé au perchoir de l’hémicycle et ont convoqué la « responsabilité » de chacun, rejetant la faute sur les uns et les autres. Laurent Wauquiez clame : « Nous dansons au-dessus d’un volcan », à l’encontre du Rassemblement national et des insoumis ; Boris Vallaud lance à Michel Barnier : « Pendant des semaines, vous vous êtes enfermé dans un tête-à-tête humiliant avec l’extrême droite », ou encore Marine Le Pen, d’un air faussement désabusé, déclare : « Les institutions nous contraignent à mêler nos voix à celles de l’extrême gauche. » Jean-Philippe Tanguy grimace, les troupes de Mélenchon alimentent le brouhaha, et le sort de Michel Barnier est scellé. Le jour est historique : c’est la première fois qu’un gouvernement est renversé depuis 1962 et Georges Pompidou. Seulement voilà. L’Histoire retiendra qu’en 2024, le gouvernement Barnier est tombé car Marine Le Pen n’a pas voulu faire de concession sur l’indexation des retraites.
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Le résultat à peine connu, Michel Barnier donne une petite réception aux allures de pot de départ. « Je suis ennuyé de vous avoir entraînés dans cette aventure. Incroyable que les extrêmes sous-estiment la situation du pays », confie-t-il à ses proches.
Dans cet imbroglio politique, Emmanuel Macron n’a d’autres choix que d’aller vite. Les Français ne veulent plus revivre un été avec un gouvernement démissionnaire. Il n’y aura même plus les Jeux olympiques pour les divertir. Le Président rentre discrètement de son voyage en Arabie saoudite pendant que le monde rit de nous, comme en témoigne la une du journal britannique The Economist.
Comme un air de gueule de bois. Michel Barnier a été contraint de présenter sa lettre de démission au président de la République ce matin du 5 décembre, laissant le fauteuil de l’hôtel de Matignon vacant. Pourtant, le secteur économique navigue à vue, la politique migratoire est toujours plus folle, et la colère sociale continue de gronder. C’est à ce titre que la prise de parole d’Emmanuel Macron, depuis l’Élysée ce soir, est attendue. Mais pour quel résultat ? Les élus insoumis réclament sa démission, comme 54 % des Français, selon un sondage Cluster17 pour Le Point. Un Parti socialiste aux ordres du général révolutionnaire Jean-Luc Mélenchon. Et la stratégie de Marine Le Pen reste désespérément illisible.
Dans la soirée, Emmanuel Macron annonce vouloir nommer un nouveau Premier ministre en 24 heures. Et malgré les nombreuses candidatures au poste de Premier ministre de quelques vieux loups de la politique, comme François Bayrou ou Ségolène Royal, l’homme providentiel tant attendu se fait toujours plus discret et aucun profil ne semble faire l’unanimité. « LFI censurera bien sûr tout Premier ministre non-issu du NFP », assure bravache Mathilde Panot sur le plateau de TF1. Lucie Castets fait son come-back, comme une ex que l’on ne veut plus revoir. Certains évoquent la piste Bruno Retailleau. Le premier flic de France démissionnaire aura incontestablement marqué son passage à Beauvau, et il semble être le seul ministre à avoir les épaules taillées pour le costume. Mais sa nomination ne permettrait pas de sortir de la crise.
Celui qui héritera du siège de Michel Barnier sera le Premier ministre d’un pays délité, si bien décrit par Jérôme Fourquet dans Métamorphoses françaises, et d’une Ve République à bout de souffle.