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L’édito de Romaric Sangars : Anti-Puritan League

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Publié le

2 octobre 2018

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Frédéric Taddéï a animé durant une dizaine d’années une émission remarquable sur la télévision publique : trente ans après Polac, une culture du débat était à nouveau possible, et des intellectuels, des universitaires, des écrivains, des journalistes, des artistes, échangeaient librement sur toute sorte de sujets d’actualité et depuis des positions variées.

 

L’animateur arbitrait avec discrétion et élégance, distant, subtil, impénétrable – un Français du XVIIIe tentant de recréer les conditions d’un salon au sein d’un univers médiatique toujours plus plombé. Depuis, la plupart des émissions rassemblent des actrices, des comiques et des sociologues qui s’émeuvent de la règle, moquent ceux qui y dérogent ou la rappellent avec des arguments pseudo-scientifiques. À la fin du spectacle, on constate un tel phénomène de glaciation de la pensée qu’il faut sans doute nettoyer le givre accroché aux micros. À comparer, la Russie de Poutine offre un climat qui peut sembler méditerranéen.

 

Lire aussi : Edito de Romaric Sangars : Bang ! Bang !

 

D’ailleurs, c’est la chaîne du gouvernement russe, Russia Today France, qui héberge désormais Taddéï. Qu’en conclure ? Les petits flics de France Inter tentent une inquisition (dépourvue, évidemment, de tout le pittoresque hispano-catholique), et voudraient que Taddéï avoue combien de houris Poutine lui a promis pour qu’il accepte, par sa seule présence sur un média russe, de cautionner le fait que la Russie ne soit pas dirigée par un journaliste de France Inter. Pourtant, il n’y a qu’une seule chose à conclure de cet étonnant transfert et c’est que les médias publics français ont tellement déchu ces vingt dernières années qu’ils ne sont plus dignes, aujourd’hui, d’accueillir quelqu’un comme Frédéric Taddéï.

On me parlera de la censure sévissant en Russie. Je me souviens d’un témoignage tout à fait frappant sur le sujet livré justement sur la radio précitée. Une Russe opposante à Poutine expliquait qu’il n’y avait pas de censure frontale dans son pays, non, simplement, pour sauver les apparences démocratiques, on invitait des contradicteurs sur les plateaux de télévision, mais ils étaient toujours seuls et destinés à se faire humilier par des assemblées qui, de l’animateur au public en passant par les humoristes, formaient un même cercle complice. Les invités déviants apparaissaient ainsi moins comme des contradicteurs que comme des contre-exemples destinés, par la répugnance qu’ils étaient censés inspirer, à édifier les foules. Il n’y avait que la journaliste de France Inter pour ne pas remarquer qu’on parlait d’elle et de son pays.

 

Lire aussi : L’édito de Romaric Sangars : L’échappée belle

 

Ce mois-ci, nous avons la joie de lire un inédit de Chesterton publié chez Desclée de Brouwer. Le poids de ce catholique anglais fut aussi important physiquement, quand il vivait, qu’il l’est spirituellement, maintenant et pour toujours. Or, celui-ci lu a au sein d’une anti-puritan league fondée en 1890 et dont l’existence nous paraît aujourd’hui à nouveau indispensable, étant donnée l’offensive puritaine sur tous les plans, physiques et spirituels. Les paradoxes de l’époque veulent que nous devenions, pour paraphraser Nimier, les libertins du XXIe siècle. Nous ne nous déroberons pas. Nous serons les libertins du XXIe siècle, dussions-nous pour cela nous appuyer sur l’Angleterre ou la Russie. Et c’est ainsi que nous pourrons à nouveau justicier le nom qui nous désigne devant les nations et qui signifie « hommes libres », ce beau nom que nous tenons des Francs.

 

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