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L’année 2018 est doublement symbolique. Nous fêtions en mai dernier le cinquantenaire de Mai 68, et nous fêtons maintenant le centenaire de l’armistice de la Première Guerre mondiale. Allons-nous enfin clore le siècle de 14 ? Le sujet est toujours aussi brûlant, toujours aussi générateur de conflits de mémoires entre Français et entre Européens.
Alors que Le Parisien titrait récemment que les Mohammed avaient été plus nombreux à tomber pour la France que les Martin – sans même expliquer que Martin était un prénom peu donné, quand Mohammed est extrêmement populaire dans les pays musulmans -, que la France se déchire à la seule évocation du nom de Philippe Pétain, que les comparaisons des mérites et des travers des divers généraux de la Grande Guerre continuent de déchaîner les passions, la France et les Français semblent faire une nouvelle fois l’économie d’une véritable introspection sur leur destin national.
Entre 1815 et 1870, les différentes grandes puissances européennes se neutralisèrent. Mais l’Allemagne attendait son heure, mûre pour la vengeance. Comme Jacques Bainville et d’autres le comprirent en leur temps, la montée du nationalisme allemand sous l’influence du militarisme prussien était l’une des conséquences de la Révolution française : « Au nom de la gloire et des nationalités, au nom de l’émancipation des races et des principes de la Révolution, Napoléon III mettait sur le pied de guerre une armée française pour sauver la Prusse et permettre aux héritiers de Frédéric de jeter un jour sur la France des millions d’Allemands unis sous le même drapeau ».
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Cet amour immodéré des Européens pour la conquête et la guerre, couplé à un idéal héroïque hérité de l’Antiquité et du Moyen-Âge, finiraient par conduire à l’Apocalypse dans le fracas des canons d’artillerie, des mitrailleuses, des chars et des produits chimiques de la grande révolution industrielle et technique. La Première Guerre mondiale fut donc la rencontre de deux mondes, de deux âges. Frappantes sont ces images des ultimes et émouvantes charges de cavalerie presque perdues d’avance contre des armes ayant une cadence de tir infernale. La seule bataille de la Somme, opposant les armées alliées à l’Allemagne, fit ainsi près de 1,2 millions de morts, de blessés et de disparus en à peine 4 mois et dix kilomètres gagnés.
Le sinistre décompte des morts évoque un suicide collectif en Europe, à un affreux massacre bête et injuste. Il serait tout à fait anachronique de supposer, comme certains ont pu le faire, qu’il s’agissait d’une guerre simplement fratricide ou voulue par des élites cyniques. L’époque était différente et les rancunes tenaces. Dès 1908 et l’annexion de la Bosnie-Herzégovine par l’Empire Austro-Hongrois, l’Europe était sur le pied de guerre, déchirée en deux blocs antagonistes opposant des Empires centraux à des Empires coloniaux. Le conflit était inévitable.
La Première Guerre mondiale a fait disparaître la légèreté et l’innocence d’un continent à tout jamais. Sa sœur la Seconde nous a rendus masochistes. Il faut sortir du siècle de 14, enterrer définitivement cette période.
Les Français se défendirent contre l’envahisseur, animés d’une rage inexpugnable, celle notamment de Georges Clémenceau qui déclara la « guerre intégrale » en novembre 1917, cinq jours après la signature du traité de Brest-Litovsk actant la défection de la Russie bolchévique. Face à l’offensive du vainqueur de la bataille de Tannenberg Erich Ludendorff commencée le 21 mars 1918, qui devint après Guerre l’un des meneurs du parti revanchiste et un proche de l’idéologie national-socialiste naissante, le radical Clémenceau soutint le maréchal Foch et sa stratégie novatrice, basée sur les chars et l’artillerie. Miracle, la France gagnait une guerre que beaucoup croyaient perdue. Les efforts combinés de toute la nation française ont permis cette victoire que l’on se refuse aujourd’hui à dignement commémorer. Que le Président Macron juge l’influence de Pétain importante dans ce conflit, et c’est une nuée qui s’abat.
Pour les uns, Joffre fut déterminant. Les autres hésitent, chacun citant un nom : Castelnau, Joffre, Nivelle ou Mangin. Est-ce si essentiel ? Ce culte très français du personnage clé nous empêche de comprendre que les erreurs furent commises après la Guerre, et non pendant : il fallait gagner coûte que coûte. C’est après guerre que nous nous sommes fourvoyés. À la fois trop sévère et trop faible, le Traité de Versailles portait en lui les germes de la renaissance allemande, qui nous désarma moralement et militairement. Si nous avions gardé l’esprit de 14, il est probable que nous aurions battu l’Allemagne d’Hitler. L’Europe serait toute autre aujourd’hui, elle ne serait pas effondrée de l’intérieur et dominée de l’extérieur.
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La Première Guerre mondiale a fait disparaître la légèreté et l’innocence d’un continent à tout jamais. Sa sœur la Seconde nous a rendus masochistes. Il faut sortir du siècle de 14, enterrer définitivement cette période. Quand certains opportunistes osent établir des points de comparaison entre notre époque et la période 14-45, ils nous mentent et font preuve de mépris. A bien des égards, 2018 a beaucoup plus des airs de fin de l’Empire romain d’Occident. Que ce 11 novembre 2018 puisse nous rappeler qui nous sommes.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]