

Alexandre est gardien de nuit dans un parking. Alexandre dessine des animaux sauvages. Alexandre attend avec impatience de partir en vacances en Alaska. Chabouté, maître du noir et blanc, champion de l’expressionnisme du quotidien, dessine le parking d’Alexandre. Il en tire une poésie du béton et de la guérite qui enchante, surtout après son magnifique Musée (2023) qui nous promenait dans les architectures grandioses du musée d’Orsay. Mais voilà qu’Alexandre est bloqué en France, le voyagiste a fait faillite. Alexandre part quand même : il s’installe dans un hôtel en face de chez lui et décide de parcourir sa ville, qu’il connaît à peine, comme si c’était une forêt vierge, un volcan islandais, une ruine orientale : un pays inconnu qui n’attend que son crayon et son carnet de croquis. [...]

1 juillet 2025
Bien que Tosca figure parmi les opéras les plus joués au monde, sa discographie récente – en dehors de quelques lives remarquables – souffrait d’un manque criant : depuis au moins trente ans, aucune intégrale ne pouvait rivaliser avec les références du passé. Une lacune enfin comblée… ou presque. Deutsche Grammophon réunit une distribution de premier ordre, par les qualités individuelles et par l’équilibre de l’ensemble. Eleonora Buratto incarne une Tosca juvénile et sensible, ni matronne ni vampire ; son chant, techniquement admirable, séduit par la pureté du phrasé et la finesse des nuances, toujours à l’écart d’emportements véristes. Ludovic Tézier, s’il a peut-être dépassé son zénith vocal – et malgré quelques effets un brin appuyés – reste somptueux : un Scarpia sadique et manipulateur, que le baryton sculpte mot à mot avec un sens du sous-texte rarement entendu. [...]
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1 juillet 2025
TOUCHÉ PAR LA GRÂCE HERS, Matt Maltese, Tonight Matthew, 14 € Comme la grâce est rare. D’autant qu’elle s’échappe sans cesse. Pour lui, Matt Maltese, elle perdure. Il faut dire qu’il ne s’est pas aventuré en des territoires inconnus : il continue son œuvre, comme en son cloître. Ses courts albums ont de vastes perspectives. […]
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1 juillet 2025
À la fin des années 90, le cinéma asiatique devient brusquement à la mode en France, en partie grâce à la démocratisation des DVD qui permettent au plus grand nombre de découvrir des cinéphilies jusque-là réservées à des élites pointilleuses. Le cinéma fantastique japonais, porté également par la mode des mangas, commence à s’exporter dans le sillage du film Ring (Hideo Nakata, 1998) qui remporte un succès mondial, porté par une réputation de film « le plus terrifiant depuis Shining » Et il est vrai que l’horreur japonaise, qui porte en elle les traces d’une culture profondément animiste, insulaire et surtout une croyance enracinée aux fantômes (aujourd’hui encore, une grande majorité de Japonais affirment avoir vécu des expériences paranormales) allait considérablement modifier les canons de l’horreur cinématographique, jusque-là dominée par le canon anglo-saxon. Avec Ring, cette fascinante histoire de vidéo virale et maudite, de spectre féminin capable d’ubiquité et dont la seule vue suffit à provoquer une crise cardiaque, les spectateurs occidentaux se prennent une claque – pourtant le film n’est jamais que la continuation de toute une tradition cinématographique qui existe depuis le cinéma muet : le kaidan eiga (film de fantômes). Si Hideo Nakata se révèle par la suite un honnête faiseur (parfois très inspiré, voire son crépusculaire Dark Water, sorte de tragédie surnaturelle sur les familles monoparentales), le succès de Ring révèle un homme de l’ombre : Kiyoshi Kurosawa. Ce scénariste non crédité au générique du film inspire à Nakata ses éléments les plus terrifiants. Kiyoshi Kurosawa, comme beaucoup de réalisateurs japonais, a fait ses armes dans le V-cinéma (cinéma à petit budget réservé au marché de la vidéo, souvent imaginatif et racoleur) et plus particulièrement dans le pinku (film érotique). Pour contextualiser, il faut rappeler que le pinku (ou « roman-porno ») n’a que peu à voir avec le cinéma érotique occidental et a toujours été un terrain d’expérimentation pour des cinéastes énervés et en quête de reconnaissance, de Koji Wakamatsu à Seijun Suzuki. [...]
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27 juin 2025
En Angleterre, Paul Weller s’est constitué une stature que l’on pourrait comparer chez nous à celle d’un Gainsbourg. La comparaison est bancale, mais pas sans fondements. C’est une figure incontournable, un maître admiré, une influence qui n’a jamais cessé d’agir sur des générations de musiciens. C’est aussi un homme multiple, changeant, ayant été à la fois un garnement lancé aux débuts du punk, celui qui popularisa de nouveau, dix ans après la première vague, l’attitude et l’esthétique mod ; mais également, et c’est ce qui nous intéressera aujourd’hui, le grand défenseur d’une certaine musique noire américaine. Du jazz raffiné d’un Coltrane à la soul de la Motown, jusqu’à son goût pour Sly & The Family Stone, il n’a jamais cessé de digérer ces influences pour les faire entendre à sa façon dans ses compositions. L’Anglais teigneux de Woking est donc autant un créateur qu’un transmetteur. Avec ce qui est déjà comme la meilleure compilation d’un Long Hot Summer à venir, Paul Weller renvoie l’ascenseur, et entreprend un exercice d’admiration absolument grandiose de par sa sélection sans faute. Pour nous parler de Weller autant que de ses obsessions musicales, je me suis entretenu avec Nicolas Sauvage, le plus british des biographes français de rock. Son dernier livre, sur Terry Hall, le chanteur des Specials, succède à ceux sur Morrissey et les Smiths, Damon Albarn, mais aussi et surtout, Paul Weller et Curtis Mayfield, qui tous deux réunissent une bonne partie des sujets de notre conversation. [...]
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27 juin 2025
Les premières pages d’Armures sont très belles, où Stéphanie Hochet s’imagine avec Jeanne d’Arc agrippée à sa monture, alors que la sainte galope vers Chinon pour rencontrer Charles VII, s’enivrant de vitesse et de découvrir cette vie d’aventure qui vient de s’ouvrir pour elle. Chaque époque se reflète dans les légendes qu’elle recycle, cette légende fût-elle historique. Si Mark Twain, à la fin du XIXe siècle, avait livré une Saga de Jeanne d’Arc somptueuse, où se vérifiaient son art de la mise en scène mais aussi tout le génie synthétique de son temps, capable de mêler souffle épique, sensibilité humaine, compilation scientifique, éclats divins et moments comiques dans une même œuvre aussi alerte que totalisante, Stéphanie Hochet, en privilégiant la subjectivité et l’empathie pour tirer vers une réflexion théorique tout en n’exploitant que certains fragments de l’épopée johannique, est typiquement du sien, par ses moyens, mais également – on le saisit au fur et à mesure du livre – par son esprit. [...]
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25 juin 2025
Dans une mégalopole conçue comme une juxtaposition aveugle de solitudes et de misères affectives, un couple tente de survivre après la disparition de sa fille et reçoit au même moment des vidéos émanant d’un étrange guetteur qui semble déterminé à les mettre face à leurs vices et à leurs contradictions. [...]
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25 juin 2025
On pourrait entamer cette chronique en tentant d’énumérer les références qu’on trouve dès le titre et tout au long de Reflet dans un diamant mort, mais on n’aurait pas assez d’une double page et, en affinant, peut-être que le numéro entier y passerait, ce qui on le conçoit, est impossible. Découverts en 2009 avec Amer (qui eut l’honneur informel d’être choisi par Quentin Tarantino dans sa liste des dix films de l’année), Hélène Cattet et Bruno Forzani pratiquent un cinéma fractal qui déconstruit littéralement les genres en les réduisant en autant d’innombrables facettes raboutées les unes aux autres. Prenons le motif de la femme masquée en justaucorps noir, omniprésent dans leur dernier film. Il remonte à la Musidora de Feuillade et se décline chez Georges Franju (Judex), Hitchcock (La Main au collet), Tim Burton (Batman, défi) et pour être un peu fluide, chez le mâle Diabolik de Mario Bava, l’une des influences majeures du couple (l’héroïne masquée poursuivie par l’agent secret se nomme Serpentik). Un reste de pudeur nous fait omettre l’éboueur gay kidnappeur de motard (O Fantasma de Pedro Costa). Toutes ces références sont présentes dans la femme en noir de Cattet/Forzani. Leurs images les activent comme un dispositif pavlovien pour cinéphile. Et on ne parle là que d’un motif, alors que le film en contient des dizaines. Cette accumulation détermine la forme explosante/fixe de ce cinéma frénétique et fascinant. [...]
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