Ça commence dans un studio d’enregistrement, quelque part dans la Cité des Anges. On branche les guitares, on tourne les potards, les tensiomètres s’excitent, quelque chose grésille dans l’air, l’imaginaire retient son souffle. Les regards, concentrés, se tournent vers le groupe qui occupe la cabine insonorisée. « May we start ? » questionne l’ingé-son. Le chanteur du groupe, un sexagénaire aux yeux pétillants, en fera immédiatement son refrain : « So may we start ! » entonne-t-il en forme de réponse à l’injonction du maître d’œuvre, alors que le groupe, débordé par l’énergie des commencements, finit par sortir de l’immeuble, emmenant au passage les protagonistes du film, comme sortis d’un chapeau invisible.
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La grande procession du cinéma de Carax peut commencer, déjà gorgée d’électricité : musiciens, acteurs et figurants scandent à leur tour cet ordre originel, mantra de la création, prescription démiurgique transformée en ritournelle pop. Toute la poétique de Carax s’inscrit ici, dans cet imaginaire élégiaque qui prend forme devant nous, dans ce plaisir presque enfantin qui consiste à montrer les coutures, l’envers des masques, à révéler ses secrets de fabrication et à jouer sur toutes les tonalités du faux. Pas de vérité sans un spectacle qui la contredise radicalement, semble nous dire Carax, qui professe à chaque plan cette reconnaissance de l’artifice comme force prééminente, capable de débroussailler le réel, de révéler l’authentique. [...]
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