Il est un peu plus de 20h lorsque ce mercredi 28 octobre 2020, Emmanuel Macron annonce ce que beaucoup craignaient. À peine quatre mois après leur réouverture, les salles obscures doivent à nouveau tirer leurs rideaux bleu nuit. « C’est catastrophique », déclare à chaud Richard Patry, président de la Fédération nationale des cinémas français. Avec 3 millions de spectateurs enregistrés au box-office cette semaine précédant la fermeture, un record depuis la réouverture du 22 juin, l’annonce est un coup de massue. Adieu les cons d’Albert Dupontel vient d’atteindre en quelques jours 600 000 spectateurs (alors que le couvre-feu le prive d’au moins deux séances sup- élémentaires par cinéma), le charmant Antoinette dans les Cévennes n’est pas loin des 800 000 entrées, confirmant que les trois mois de confinement n’ont pas fait passer aux Français le goût du cinéma. Le bilan de l’année 2020 n’en est pas moins catastrophique : à peine 30 % du chiffre de 2019. « Dans ce contexte particulier, les films français (29,2 millions) réalisent davantage d’entrées que les films américains (26,6 millions) ou les films d’autres nationalités (9,3 millions). Ce phénomène ne s’était pas produit depuis 14 ans (2006) », se rassure le CNC. C’est là qu’est l’os.
Si les ricains n’étaient pas là.
Si le cinéma français peut se gargariser d’avoir battu les Ricains, c’est surtout parce que ces derniers ont alors déserté les salles obscures pour les plateformes. La Warner a préféré sortir sur ce support sa superproduction Wonder Woman, quand Disney a profité de la crise sanitaire pour lancer Disney +. Propriétaire des studios Pixar, Marvel, Lucasfilm et 20 th Century Fox, la firme de Mickey représentait, en 2019, 49 millions d’entrées en France, soit 23 % du marché ! Une concurrence de moins pour le cinéma français ? « Il faut des locomotives pour attirer les spectateurs à retourner au cinéma », répond l’attaché de presse très expérimenté Robert Schlockof. « Ce ne sont pas les films de Kerven ou de Dupontel qui allaient mobiliser le grand public lors du premier déconfinement. Or c’est lorsque le grand public se déplace que se crée une dynamique globale », ajoute-t-il. Et tout le monde en profite, les exploitants de salle comme le cinéma français. « Pour cette réouverture, le scénario est inversé, témoigne un exploitant. On a près de 400 films en attente de sortie. » Une estimation qui compte 200 films français et plus de 200 films étrangers. Quid des superproductions américaines ? « Il y a un mois, les Majors repoussaient des dates et certaines avaient même décidé d’annuler leur sortie. Elles ont fait marche arrière et se bousculent aujourd’hui pour sortir leur film en salle », explique Robert Schlockof. Soit un immense embouteillage en perspective.
Si les syndicats de distributeurs indépendants étaient présents, ils étaient bien seuls puisque les « gros » avaient piscine, américains comme français.
Chacun pour soi
À l’initiative du CNC et avec une autorisation exceptionnelle de l’Autorité de la concurrence, une réunion était prévue le 5 mai pour mettre en place un calendrier concerté entre distributeurs afin de préparer la réouverture et permettre aux « petits films » d’avoir une chance d’exister. Si les syndicats de distributeurs indépendants étaient présents, ils étaient bien seuls puisque les « gros » avaient piscine, américains comme français. « Honnêtement, il n’y avait aucune chance que les studios américains, qui misent sur des sorties mondiales, s’alignent sur le mi- cromarché qu’est la France », relève un exploitant. « On se retrouve dans la situation qu’on craignait : c’est-à-dire une boucherie avec des semaines à trente films contre quinze habituellement », ajoute-t-il. Avec deux fois plus de films que prévu, on imagine pourtant qu’un directeur de cinéma est avantagé. « Oui, je préfère en avoir trop que pas assez, mais la réalité est différente », nous explique un autre exploitant de cinéma indépendant. « Jusqu’à huit jours avant la réouverture, je n’avais aucun film à proposer et n’étais pas certain de pouvoir ouvrir. Les comportements des distributeurs ne tiennent pas une seconde. Ils ont la trouille de [...]
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