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Trottoirs, bordels : même tarif ?

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Publié le

7 septembre 2019

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Prostitution : légalisation, pénalisation, tolérance ? Elodie Pérolini s’est penché sur les problématiques concrètes posées par la plus vieille question du monde. Reportages, interviews, réflexions, voici le second dossier de la rentrée.

 

 

 

Un nom idéal pour œuvre contemporaine, impossible à pratiquer lors d’un trajet automobile sur les routes départementales de France. À l’Est rien de nouveau, elles sont visibles par tous les temps, depuis tout temps cela va sans dire. En camionnettes, en camping-car, en voitures utilitaires aménagées, elles se répartissent l’espace et le marché, celui de la prostitution. De ces femmes dites déshonnêtes, dont le travail dérange quand bien même il est taxé et toujours légal, il n’est pas possible de faire abstraction. Car, en plus des files de messieurs en voiture familiale qui font la queue devant chez ces dames avant de rentrer chez eux, il est d’autres dames moins bien loties. Elles ne sont pas françaises mais souvent roumaines ici, nigérianes ailleurs, elles usent leurs grolles contraintes et forcées par des hommes peu avenants, encore moins recommandables, qui les surveillent depuis des Land Rover aux vitres teintées, pendant qu’elles font le pied de grue, au bord de la route de onze heures du matin à la tombée de la nuit, qu’il pleuve ou qu’il vente, même en plein soleil.

 

Lire aussi : L’éditorial de Jacques de Guillebon : Investir l’empire du milieu

 

De ces dames du terroir ou issues de la traite des Blanches et des Noires, il y en a dix dans un rayon de dix kilomètres autour de mon domicile. Si je les vois tous les jours, tout le monde les voit. Et si j’en vois davantage, toujours plus à l’Ouest, en parcourant nos campagnes, année après année, n’essayant jamais de les abstraire de la réalité, c’est qu’il y en a de plus en plus visibles. Et autant plus d’invisibles puisque 62 % des prostituées se vendent par le biais d’internet, grâce aux sites d’annonces et exercent dans des locations Airbnb.

Dans le morne paysage de la République en marche, le député de la VIe circonscription du Var ne semble pas aveugle, voyant la même chose que moi, ne pouvant faire abstraction de ces femmes publiques.

Nul besoin des titres de presse pour s’en apercevoir : « La procureure générale de Paris alerte sur « la prostitution des cités », « Prostitution dans un « salon de massage » à Paris : deux célébrités convoquées », « Lyon : un pasteur à la tête d’un réseau de prostitution d’une cinquantaine de femmes », etc. Pourtant, il y a longtemps que la fermeture des maisons closes devait endiguer ce phénomène, longtemps que les lois répressives à visée abolitionniste devaient mettre fin à ce qui était déjà réglementé par Hammourabi et notre bon Saint Louis.

Dans le morne paysage de la République en marche, le député de la VIe circonscription du Var ne semble pas aveugle, voyant la même chose que moi, ne pouvant faire abstraction de ces femmes publiques. Si ces femmes honnies désintéressent les hommes publics, c’est une femme, politique – car ici publique est violemment péjoratif – qui fit les titres malgré elle l’an dernier au sujet de ce dont il n’est pas possible de faire abstraction, à savoir que des femmes vendent leur corps. Que certaines le font de leur plein gré, que beaucoup d’autres le font contraintes et forcées, que cela se déroule en public et que la fermeture des maisons closes n’a absolument rien changé, ou peut-être même aggravé.

Que faisons-nous pour toutes ces femmes au bord des routes et spécialement celles victimes d’esclavage sexuel ? C’est la question que se posent les habitants du Sud-Est, pas seulement dans une circonscription où la prostitution crève les yeux et où le trafic d’êtres humains se déroule dans l’impunité. Plus la Côte d’Azur se fait proche, plus les filles rajeunissent et plus elles sont nombreuses. En fait, c’est de la faillite de la République dont il est difficile de faire abstraction.

Des journalistes en quête de bruit profitèrent de la légitime inquiétude du député Gomez-Bassac au sujet de la sécurité des prostituées pour lui prêter des propos qu’elle n’a jamais tenus et une volonté qui n’est pas la sienne à coups de titres racoleurs : « Pour la réouverture des maisons closes ! »

Que faisons-nous pour toutes ces femmes au bord des routes et spécialement celles victimes d’esclavage sexuel ? C’est la question que se posent les habitants du Sud-Est, pas seulement dans une circonscription où la prostitution crève les yeux et où le trafic d’êtres humains se déroule dans l’impunité. Plus la Côte d’Azur se fait proche, plus les filles rajeunissent et plus elles sont nombreuses. En fait, c’est de la faillite de la République dont il est difficile de faire abstraction. Les réseaux mafieux sont démantelés au terme d’enquêtes longues et difficiles, menées grâce à une faible coopération internationale.

Des policiers qui se plaignent, à voix basse, d’être spectateurs des luttes de territoire entre Albanais et Nigérians, ces pauvres Africains qui vont chercher leurs compatriotes dans les camps de migrants en Italie pour les réduire en esclavage sexuel dans notre beau pays.

Mis à bas après deux ans de travail policier, en dix jours les prostituées sont remplacées par d’autres. Parfois ce sont les mêmes qui reprennent leur place. Les réseaux des pays de l’Est sont les mêmes pour la prostitution, les armes, la drogue et le trafic d’organes. Des gens dangereux, qui brassent dans l’impunité plusieurs milliards d’euros annuels, au grand dam des forces de l’ordre françaises à qui les moyens de faire respecter la loi ne sont pas donnés. Des policiers qui se plaignent, à voix basse, d’être spectateurs des luttes de territoire entre Albanais et Nigérians, ces pauvres Africains qui vont chercher leurs compatriotes dans les camps de migrants en Italie pour les réduire en esclavage sexuel dans notre beau pays. Le travail des associations de terrain venant en aide aux prostituées étrangères est stérile, il se heurte au silence des sans-papiers.

 

Lire aussi : L’éditorial culture de Romaric Sangars: Entrons dans la fin

 

Il y a beaucoup de questions qui se posent. Quelles solutions pérennes pour les Françaises qui exercent légalement en profession libérale, payent leurs impôts et veulent travailler en sécurité sans menace des proxénètes ni jugement moral de la part d’autrui ? Quelle volonté abolitionniste de la France peut-elle être raisonnablement exportée dans les 20 pays de l’UE où la prostitution est légale ? Le modèle économique allemand vanté par Jupiter doit-il être copié jusque dans la réouverture des maisons closes dont les revenus sont intégrés au PIB allemand ? L’espace Schengen, la libre circulation des capitaux et des personnes ne permettent-ils pas l’explosion de l’esclavage sexuel international d’une part et de l’évasion fiscale des 3,2 milliards d’euros annuels générés en France par ces trafics d’êtres humains ? Comment le gouvernement compte-t-il mettre en œuvre des mesures concrètes correspondant à ses ambitions affichées sans contrevenir au droit européen d’une part et d’autre part sans donner les moyens financiers et judiciaires aux autorités compétentes ? Enfin, comment résoudre un problème réel si, dès lors qu’il est énoncé, il est renvoyé dans l’ordre de l’abstraction, confié à d’énièmes commissions ad hoc, noyé de bons sentiments et vœux pieux confinant au délire avant d’être tu ?

 

Élodie Perolini

 

Retrouvez le dossier complet sur la prostitution dans le numéro 23 de L’Incorrect en kiosque ou sur abonnement.

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