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C’est le peuple qui déconne

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22 janvier 2020

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Jadis il y avait des pêcheurs. Aux temps creux et cléments, ils repeignaient les coques vertes et blanches de leurs chalutiers, avant de repartir, de Saint-Jean-de-Luz au Guilvinec, de Concarneau à Boulogne, égayer de leurs bouées fluo le gris colérique des flots indécis. Ils en ramenaient le bar de ligne, le thon albacore, et les coquilles Saint-Jacques des fêtes qu’on disait encore de Noël. Et puis ils sont devenus des hommes.

 

Des hommes avec des familles. Avec des femmes qui en ont marre d’attendre, des enfants qui ne veulent pas prendre la mer, des traites à la banque, et des bateaux dépassés, avec 3 radars/sonars rendus obligatoires par l’Union Européenne mais toujours du kérosène épais dans leurs entrailles. Des hommes qui peuvent bloquer les ports, porter des bonnets rouges. Des pollueurs, des emmerdeurs, des empêcheurs de tourner en rond dans l’eau.

À cette époque il y avait aussi des agriculteurs. Eux aussi étaient durs au mal, mais ils ne manquaient pas de courage, ils étaient heureux d’approvisionner la corne d’abondance, et des plaines de la Beauce aux coteaux d’Irouleguy, des fermes bretonnes aux marchés de Provence, ils affichaient la mine réjouie et le profil rebondi de ceux qui ignoraient tout de « Basic Fit » et du véganisme, mais connaissaient par cœur les victoires d’étape françaises dans le Tourmalet ou le score de la dernière rencontre La Voulte-Bagnères-de-Bigorre dont la bagarre générale finale a impressionné même les anciens. Eux aussi sont devenus des hommes.

Ils affichaient la mine réjouie et le profil rebondi de ceux qui ignoraient tout de « Basic Fit » et du véganisme, mais connaissaient par cœur les victoires d’étape françaises dans le Tourmalet.

Des hommes avec des familles. Des femmes qui ont en marre de bosser, des enfants qui s’ennuient, des gouffres à la banque, et des exploitations qui ne vous lâchent jamais, qu’on ne lâche jamais, qu’on engraisse sans jamais les enrichir. Des hommes qui peuvent bloquer des autoroutes, porter des bottes en caoutchouc. Des ploucs, des enquiquineurs de première, des geignards sur pattes.

 

Lire aussi : Tribune : Ce que veut le peuple français 

 

Il y avait enfin ces classes plus ou moins moyennes qui formaient le gros de la troupe, qui se tapaient les transports en commun sans moufter, qui râlaient au boulot, mais qui étaient fiers d’avoir marié la grande avec un gars bien, du dernier qui faisait médecine, et qui trouvaient finalement une certaine dignité à sacrifier leur vie de labeur ingrat sur l’autel de l’amélioration des générations. Mais ils sont restés des hommes. Des hommes avec des familles. Des familles recomposées, décomposées, des familles vécues comme des punitions, comme des entraves.

C’est vrai quoi, avec un peu de bonne volonté, les pêcheurs pourraient ramasser exclusivement du plastique dans les océans ou des algues vertes, avant de vendre le rafiot pour investir dans une entreprise de cosmétiques marins.

Des femmes qui travaillent d’abord, des enfants qui n’améliorent rien du tout, des crédits à la banque dont on ne sait plus très bien ce qu’ils financent à part le différé du désastre. Des hommes qui peuvent bloquer Paris, le pays, par espoir que ça change, par désespoir parce que ça n’a jamais rien changé, parce qu’au final on ne les écoutera pas, ils en mettraient bien leur main à couper au feu des braseros qu’ils rejoignent quand ils ont enfilé leur gilet jaune. Des réfractaires, des bornés, des cons quoi…

Soyons donc un peu indulgents avec nos dirigeants hyper-connectés acquis aux horizons radieux du mondialisme débonnaire à Davos et incendiaire (presque) partout ailleurs. Ils ont tout prévu pour que ça se passe bien : l’individualisation à outrance, la marchandisation du corps, l’« Artificial Intelligence », le « green deal », la « smart economy », la « blue growth », toutes choses capables de nous amener à nous libérer de nos vieilles chaînes, de nos structures archaïques, de nos filiations naturelles, de nos héritages les plus basiques.

 

Lire aussi : Les liquidateurs 

 

C’est vrai quoi, avec un peu de bonne volonté, les pêcheurs pourraient ramasser exclusivement du plastique dans les océans ou des algues vertes, avant de vendre le rafiot pour investir dans une entreprise de cosmétiques marins. Les agriculteurs pourraient rendre à la nature son anarchie – on s’en fout, de toute façon manger de la viande c’est hyper mal – et s’investir dans l’agro-tourisme écoresponsable ou dans la production en ville sous ultraviolets d’insectes hyper-protéinés destinée au marché du burger bio. Quant aux autres, ils pourraient fermer leur gueule en se disant que leur système de retraite a au moins le mérite d’exister, que la répression policière est moins dure ici qu’au Belarus, et que pour au moins deux ans encore on est champions du monde de foot, ce qui prouve que l’excellence française continue à faire pâlir d’envie le monde entier.

Il faut arrêter de chercher des noises à nos dirigeants qui font vraiment tout ce qu’ils peuvent. Tout ce qu’ils peuvent pour nous arracher à notre humanité. Parce que tout sera plus facile après…

Alexandre Ollivier

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