Il semble qu’en France l’intelligence elle-même ait été confinée, sinon congédiée. Le vieux nouveau monde résiste et il faudra du temps pour le lessiver.
Festina lente. Hâte-toi lentement. On aimerait tirer de rapides leçons de cette crise qui, en six mois, a nettoyé le ciel de ses avions, les marchés, de leurs profits et la France… de rien. En France, la catastrophe industrielle organisée pendant quarante ans porte ses plus merveilleux fruits: nous manquons de tests, de masques, de respirateurs, de vaccins, de brevets, de savoir-faire et bientôt d’usines, d’entreprises et de travailleurs; en France, le chef de l’État continue de pérorer sur la nécessité de plus d’Europe alors que tous les pays de l’Union européenne ont décidé qu’il était urgent d’avoir plus de nation; en France, Thierry de La Tour d’Artaise, le patron de Seb, explique que son groupe, qui produit le respirateur open source MakAir et a son siège à Écully, est un groupe mondial : « Notre rôle est de fabriquer un produit de qualité.
Partout où il y aura des malades, nous apporterons notre aide en fournissant le respirateur. Si c’est en France nous le ferons en France, s’il faut le faire dans d’autres pays, nous le ferons. Nous sommes un groupe mondial, avec 42 usines dans le monde en Chine, en Russie, en Amérique Latine… Nous sommes prêts à luter contre cette pandémie, où qu’elle soit » (L’Usine nouvelle, 22 avril). En France, on veut relocaliser, à condition que cela permette de faire naître un champion européen: Sanofi veut « créer un géant de la pharmacie chimique pour pouvoir […] maintenir sur le territoire européen la plupart de nos principes actifs puis surtout agréger autour de nous d’autres partenaires pour éventuellement à terme relocaliser une partie de ces principes actifs » (BFM Business, 22 avril). Le monde d’avant résiste. Le progressisme n’est pas mort.
On ne peut pas attendre, raisonnablement, que l’État français change radicalement, ni que les marchés soient brusquement frappés par la grâce. On aurait aimé que l’épidémie permette l’essor de relations fraternelles, charitables, générationnelles, locales, enracinées, mais le confinement empêche qu’elles s’exercent vraiment. Mieux, l’État français a déployé avec jubilation un vaste appareil policier dans les zones les plus sûres pour être certain de punir avec une absurde sévérité celui qui va voir son père mourant (sinon déjà mort dans les Ehpad condamnés) ou l’aide-soignante partie faire les courses d’une impotente, tout en laissant prospérer les trafiquants dans les cités. Les Français ont d’ailleurs répondu à l’appel: les commissariats explosent sous les appels dénonçant l’incivilité des voisins, y compris ceux qui ont le toupet d’assister à la messe, à sept, dans une église construite après 1905. [...]
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