[vc_row][vc_column][vc_column_text css=”.vc_custom_1567520541871{margin-right: 25px !important;margin-left: 25px !important;}”]
Maître de Conférences à l’Université de Corte, l’hydrobiologiste, Christophe Mori est également Président du Conseil Scientifique du patrimoine naturel de la Corse. Depuis des années, il observe au quotidien l’évolution des cours d’eaux de l’île, en relevant des observations qui devraient tous nous alerter… Pour L’Incorrect, il revient sur ce constat mais précise aussi qu’il est temps de sortir des postures politiciennes en définissant aujourd’hui une véritable écologie de droite.
YC : Peut-on faire un bilan des conséquences du changement climatique en Corse ?
CM : La Corse illustre bien les conséquences de ces changements climatiques, dans un contexte méditerranéen particulièrement impacté. Rappelons que le climat méditerranéen existe à d’autres endroits sur la planète, comme le nord de l’Australie ou la Californie touchée par d’intenses incendies en hiver dernier. En Corse, les températures moyennes, ont augmenté de 1,1 °C comme partout ailleurs sur le globe. Mais les moyennes masquent des disparités importantes dans l’espace et dans le temps.
D’ici à 2050 Bastia aura la température actuelle de Tunis.
La ville de Corte située à 450 mètre d’altitude au centre de l’île a subi 2 °C d’augmentation depuis 1960. Et si l’on prend le village de Bastelica, à 800m d’altitude, on note que sa température au printemps a augmenté de 3,3°C en 60 ans ! Les zones de relief sont donc particulièrement touchées en fonction des saisons.
D’ici à 2050 Bastia aura la température actuelle de Tunis.
Le débit des cours d’eau s’est réduit de 30% depuis 1950. En été, le débit du Tavignano, deuxième rivière de Corse a diminué de 55%. Il est probable que ce cours d’eau s’assèche complètement durant la saison estivale d’ici à 2070. En effet, les usages sont multiples durant cette période de stress hydrique. Le tourisme est impactant. Mais aussi l’agriculture qui est de plus en plus consommatrice d’eau (+20% en 30 ans) avec par exemple l’irrigation des vignes. Rappelons que la plantation du maïs, qui nécessite une irrigation intense, est subventionnée par l’UE, ce qui dans ce contexte méditerranéen parait inexplicable !
Lire aussi : Écologie : l’Europe contre elle-même
La faune est-elle touchée dans l’île ?
En altitude, à plus de 2000 mètres, se trouvent les zones de reproduction des truites endémiques. En 30 ans, 95 % des truitelles ont disparu à plusieurs endroits comme au lac de Nino, source du Tavignano. La faune aquatique endémique (essentiellement des insectes) se réfugie en haute altitude. Leurs niches écologiques se restreignent dangereusement…. La réduction de la faune locale laisse la place à des espèces envahissantes, très tolérantes, comme le moustique. Des oiseaux comme les passereaux et des mammifères comme les chauves-souris voient leur densité diminuer de 25 à 30%.
Quelles maladies émergentes apparaissent ?
Les maladies émergentes liées à l’eau se multiplient. Les moustiques sont vecteurs de dengue, de chikungunya, de zika. Les moustiques tigre ont déjà envahi une grande partie de l’Europe. Autre maladie vectorielle, la bilharziose. Elle se développe dans certains cours d’eau de Corse depuis 2012, avec des températures supérieures à 30°C. Il s’agit d’une maladie tropicale !
Les cyanobactéries sont des algues qui se développent sur les plans d’eau, entrainant des difficultés de gestion de la ressource en eau potable. Elles émettent des neurotoxines et des hépatotoxines, dangereuses pour l’homme, qui peuvent tuer des animaux domestiques et sauvages.
L’enneigement baisse régulièrement, l’évaporation de la pluie sur les sols augmente. Cela a pour conséquence une baisse des débits marquée, qui va s’amplifier au cours des prochaines décennies. En Corse, en plein été 97% de la production électrique est carbonée ! Avec un pic de consommation estivale qui rattrape le pic hivernal !
La production hydro-électrique est-elle impactée ?
L’énergie hydro-électrique est impactée du fait de la diminution des débits, alors que l’on essaye de miser sur l’énergie renouvelable. L’enneigement baisse régulièrement, l’évaporation de la pluie sur les sols augmente. Cela a pour conséquence une baisse des débits marquée, qui va s’amplifier au cours des prochaines décennies. En Corse, en plein été, 97% de la production électrique est carbonée ! Avec un pic de consommation estival qui rattrape le pic hivernal !
Pourquoi le climato-scepticisme est plus vivace à droite ?
La droite a abandonné trop longtemps l’écologie à la gauche qui en use comme un fonds de commerce en prenant des postures dogmatiques. En effet, la plupart des personnes climato-sceptiques sont de droite. Dans une certaine droite, on refuse cette bien-pensance généralisée, ce progressisme qui ne supporte plus la contradiction. Malheureusement, l’écologie avec les changements climatiques, fait partie de ce « pack » de bien-pensance gauchisante, dont elle use comme un fonds de commerce électoraliste… avec un certain succès aux dernières élections européennes. Il faut extraire l’écologie de cette bien-pensance. L’écologie ne s’inscrit pas dans cette démarche intellectuelle dogmatique. L’écologie est une science à part entière, concrète et très transversale. Les indicateurs climatiques sont au rouge ; il en est de même pour la biodiversité. Il est temps d’agir à droite et de proposer des modèles économiques viables et adaptés.
Lire aussi : Green is the new red ou la dictature au nom de la planète
Changement climatique, érosion de la biodiversité, menaces diverses, comment poser clairement le problème ?
L’équation est simple à poser : collectivement nous avons tous intérêt à agir…et individuellement nous n’y avons aucun intérêt. La question est donc complexe et mérite un diagnostic froid et posé. La droite doit se réapproprier le sujet, non parce qu’il est à la mode, mais parce qu’il doit être le moteur d’une économie éclairée, plus régulée, plus partagée. Le citoyen consommateur doit trouver sa place dans ce système. Je souligne que l’érosion de la biodiversité se hisse au même rang de préoccupation que les changements climatiques. Un état d’équilibre doit s’instaurer entre les espèces, l’homme compris évidemment !
Lire aussi : Reportage : Touche pas à ma glu
Il y a aussi le registre émotionnel au niveau médiatique ?
Je ne suis pas dans un registre émotionnel comme Greta Thunberg que je ne cautionne pas, mais à qui je ne jette pas la pierre. Elle illustre un échec collectif de la communauté scientifique (et de ses relais à exposer le bon diagnostic et les enjeux inhérents) et de la population à appréhender une situation complexe qui finira par avoir des conséquences tangibles sur leur quotidien. J’apprécie cette phrase de Pascal (les Pensées 226) qui résume assez bien notre situation : « Nous courons sans souci dans le précipice après que nous avons mis quelque chose devant nous pour nous empêcher de le voir. »
L’écologie ne doit pas prendre un aspect religieux. Ni catastrophisme, ni peur, ni émotion, mais un diagnostic scientifique solide et posé pour aller vers un monde responsable, vertueux et créateur de richesses naturelles et immatérielles aussi.
Mais comment appréhender la situation d’urgence écologique ?
L’écologie ne doit pas prendre un aspect religieux. Ni catastrophisme, ni peur, ni émotion, mais un diagnostic scientifique solide et posé pour aller vers un monde responsable, vertueux et créateur de richesses naturelles et immatérielles aussi. L’écologie doit être un levier majeur de notre économie. En appréhendant les multiples critères avec une finance responsable comme atout avec des stratégies adaptatives comme les services écosystémiques de la gouvernance et des facteurs de régulation et de résilience. L’écologie ne doit pas être une variable d’ajustement politique périphérique mais être au cœur de l’action publique. Les politiques nationales et locales doivent se décliner en catalysant l’entreprenariat durable.
Propos recueillis par Yannick Campo
[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]