L’œuvre de Charles Péguy se concentre à la charnière des XIXe et XXe siècles, période dont les querelles constituent le pivot de la France contemporaine. Au cours de ces temps tumultueux, Péguy fut d’abord socialiste et républicain, avant que son retour à la religion n’imprègne ses écrits d’une ardente foi catholique mêlée d’un nationalisme toujours plus vigoureux. Si d’aucuns pourraient considérer un tel parcours comme une somme de reniements, le natif d’Orléans y voit plutôt un « approfondissement du cœur ».
Ce syntagme n’est nullement anodin : dans sa forme même, la pensée de Péguy procède toujours par approfondissements. Celui qui fut l’élève de Bergson fait aller et venir sa plume, retournant sans cesse aux prémisses pour creuser et élargir le sillon de sa réflexion. En traçant mille spirales d’anaphores et d’accumulations, Péguy déploie un style à la fois lent et hypnotique, un style qui subjugue les uns et irrite les autres sans jamais laisser indifférent. Par ce brillant et laborieux mouvement, par ce perpétuel va-et-vient de la pensée, l’auteur élabore une maïeutique interne, une discussion de l’esprit avec lui-même, une dialectique arrimée dans le temps. En philosophie comme en poésie, dans Marcel comme dans Le Porche du mystère de la deuxième vertu, Péguy est un psalmiste qui amplifie le Verbe par l’écho. [...]
Vous souhaitez lire la suite ?
Débloquez tous les articles de l’Incorrect immédiatement !