Que le prénom ait toujours été un marqueur civilisationnel et social, et qu’il reflète des modes est une évidence. Tout est bien résumé par La Bruyère dans Les Caractères au chapitre « Des Grands » : « C’est déjà trop d’avoir avec le peuple une même religion et un même Dieu : quel moyen encore de s’appeler Pierre, Jean, Jacques comme le marchand ou le laboureur ? Pour nous autres grands, ayons recours aux noms profanes : faisons-nous baptiser sous ceux d’Annibal, de César et de Pompée : c’étaient de grands hommes ; sous celui de Lucrèce : c’était une illustre Romaine ; sous ceux d’Achille, d’Hercule, tous demi-dieux. Et qui nous empêchera de nous faire nommer Jupiter ou Mercure, ou Vénus, ou Adonis ? ».La Bruyère écrit dans un siècle très chrétien. Le snobisme – sine nobilitate signifie « sans noblesse » – fait prendre ses distances avec « le peuple » mais Dieu n’a pas été congédié de la cité.
Dans les années 70, les baby-boomers ne se marient pas. Leurs enfants ne sont plus baptisés. Des Alexandre voient le jour, Hannibal, Vénus, Tarquin. Vient la mode des prénoms à l’américaine. Si, dans certaines familles, les prénoms judéo-chrétiens, comme Timothée et Pierre, reviennent, on sent que l’héritage du christianisme pèse lourd aux « héritiers ». Quel poids, en effet, sur ses épaules, que le prénom d'Emmanuel ! C’est alors que font florès, dans les années 1990, des noms de fruits ( Mirabelle et Cerise) puis de choses ( Térébinthe ) ainsi que des prénoms exotiques pris dans des séries télé. Tout est bon pour marquer d’un sceau unique, surtout païen, le front de votre enfant. Avec la montée de l’écologie, arrive la vague des prénoms verts, en hommage à la Terre, au Ciel et à la Mer. Maïa devient courant avec Océane, Ambre, Rubis. Les prêtres ont du mal pour baptiser des enfants d'un prénom chrétien. Au rebours, on appelle son chien Léon ou Gaston.
Pendant qu’en France, « les héritiers » renient leur héritage, le prénom Mohamed est en passe de devenir le prénom le plus donné
Que chaque époque ait ses modes est normal. Mais la déchristianisation n’est pas une mode. En témoigne la suppression des fêtes chrétiennes dans les agendas. Certes, la tentative américaine de dater l’histoire à partir de « l’ère courante », et non de Jésus-Christ, n’a pas abouti car impossible, comme le calendrier révolutionnaire mais tout cela est révélateur du désir de faire table rase d’un héritage chrétien et d’une tradition classique. Pendant qu’en France, « les héritiers » renient leur héritage, le prénom Mohamed est en passe de devenir le prénom le plus donné. Il y a peu, une « maman voilée » ne déplorait-elle pas, face au président de la République, que son fils ne connût pas de « Pierre » dans sa classe ? Qu’il n’y ait pas de mixité sociale !
[...]Vous souhaitez lire la suite ?
Débloquez tous les articles de l’Incorrect immédiatement !